«Je crois que le silence s’impose à moi quand j’essaie de parler d’Essaouira. Les choses, les lieux qui nous touchent le plus, on ne trouve pas les mots pour les exprimer… Je ne peux me détacher facilement d’Essaouira, bien que j’y souffre assez souvent. Quand on aime, on souffre, c’est la règle. J’aime l’inconnu dans cette ville. Cela fait des années que je cherche quoi, mais je ne trouve pas.
Si j’essaie d’énumérer ce que j’aime dans cette ville, me viennent à l’esprit les murs d’abord. Je dialogue avec les murs. Les anciens murs sont chargés d’histoire. Je ne peux pas passer à côté d’une muraille sans entendre le murmure des voix qui s’y sont imprimées.
Mon état d’âme est généralement influencé par la joie ou la tristesse que dégage un mur. Le vent aussi, c’est un vent qui ne souffle pas, il parle. Il dit le mystère de la ville… Il y a aussi la ville souterraine. Elle a ses éléments qui se refusent à l’oeil nu. Mais je sais qu’ils existent, je suis d’ailleurs à leur recherche.
Et puis, il y a quelque chose qui m’inquiète. Je me fais du souci pour Essaouira. On vend les maisons traditionnelles d’Essaouira à des étrangers. Les natifs de la ville vendent de plus en plus leurs maisons pour aller s’établir ailleurs. Je vois tous les jours des gens qui se déracinent.
Essaouira est devenue à la mode. On parle de décollage économique, mais je crains un crash… Je suis inquiet. Les constructions modernes qui poussent partout risquent de la dénaturer. Mais je crois toujours au côté magique d’Essaouira.
C’est une ville qui se défend très bien. Il y a des forces magiques à Essaouira. La ville donne des sortes de frissons à ceux qui y vivent. Mes racines se trouvent à Essaouira, je ne saurais être ailleurs. Je suis comme un escargot et quand je vais dans une autre ville, ma coquille me manque. »