En faillite depuis le mois de juillet de l’année en cours, l’opérateur Télécom Worldcom est loin de pouvoir sortir de sa crise. Les dernières déclarations portant sur les manipulations comptables dont a fait l’objet la société n’ont fait que consolider le sentiment d’incertitude quant à son éventuelle survie.
En parallèle, Jack Grubman, analyste vedette de la banque d’affaires Salomon Smith Barney mouillée par la faillite de Worldcom a présenté jeudi sa démission, acceptée de suite par la direction de son employeur. Sa lettre de démission est devenue aussi célèbre que lui. Loin de verser dans le style ordinaire, Jack Grubman y a tenté de se défendre d’avoir mal fait son travail d’analyste spécialisé dans le secteur des télécommunications en estimant avoir servi de bouc-émissaire dans cette affaire. Et d’ajouter, « J’ai toujours écrit ce que je pensais et basé mes opinions sur un modèle d’investissement sincère et (appliqué) de longue date (…). Néanmoins, le climat de critiques constantes a rendu impossible l’exercice de mon métier selon les critères de qualité que méritent les clients de Salomon Smith Barney ». Il ne manque pas de regretter « d’avoir, comme bien d’autres, manqué de prévoir l’effondrement du secteur des télécoms et que je comprenne la déception et la colère ressentie par les investisseurs à cause de cet effondrement, je suis néanmoins fier de mon travail et de celui des analystes qui ont travaillé avec moi». Outre les indemnités de départ à proprement parler ( de l’ordre de 1,2 million de dollars étalés sur 18 mois), Salomon Smith Barney a accepté d’annuler un prêt de 19 millions de dollars, intérêts compris, dont a profité l’analyste en 1998. Ce dernier va également toucher 12 millions de dollars sous forme d’action et de stock options, selon Financial Times et New York Post. « Qui plus est, Salomon Smith Barney a accepté de laisser à la star déchue son bonus de 15 millions de dollars touché en 1998 au moment de la signature d’un contrat de travail de 4 ans. Ce contrat stipulait le remboursement de cette somme si Jack Grubman était forcé de quitter l’entreprise en raison d’un problème légal», affirme pour sa part le Wall Street Journal.
Cette histoire fait suite à ce qui s’est passé le 8 août quand les administrateurs judiciaires de cette société américaine ont reconnu que «des irrégularités lui avaient permis de gonfler ses bénéfices bien au-delà de ce qui avait déjà été annoncé», faisant ainsi monter la fraude à un total de 7,1 milliards. Dans un communiqué diffusé par Worldcom, «l’audit interne actuellement en cours démontre que 3,3 milliards de dollars ont été indûment comptabilisés comme revenus avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (EBITDA) pour les exercices 1999, 2000, 2001 et le premier trimestre 2002».
Cette somme est à ajouter aux irrégularités d’un montant de 3,8 milliards de dollars dévoilées à la fin juin, qui portaient uniquement sur l’année fiscale 2001 et le premier trimestre 2002. La correction des comptes de résultats pour 2000, 2001 et 2002 doit encore être examinée par le cabinet d’audit KPMG. Ce dernier remplace son concurrent Arthur Andersen, qui n’avait auparavant détecté aucune irrégularité dans les finances de Worldcom.Un air de déjà vu, référence faite au courtier en énergie Enron.