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Youssef El Alaoui: «L’Afrique constitue un marché intéressant pour l’exportation des produits avicoles»

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Entretien avec Youssef El Alaoui, président de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole

L’amélioration de la situation épidémiologique et les avancements réalisés au niveau de la vaccination de la population contre la Covid-19 ont permis un retour progressif à la normale de l’approvisionnement des marchés et des habitudes d’achat des consommateurs.

ALM : Est-ce que les habitudes de consommation des œufs ont changé pendant le contexte de la Covid ?

Youssef El Alaoui : Les habitudes de consommation d’œufs n’ont pas changé, il s’agit plutôt d’une perturbation au niveau de l’offre pendant la Covid-19. En effet, le circuit de commercialisation des œufs a été impacté au début de la pandémie par l’interdiction et les perturbations de la circulation entre les provinces, provoquant ainsi des difficultés d’acheminement des œufs aux marchés et par conséquent au consommateur. De même, la fermeture à l’avènement de la pandémie et la réduction du temps d’activité des snacks, sandwicheries, cafés et lieux de restauration en général ont considérablement contribué à la baisse de la consommation des œufs. L’amélioration de la situation épidémiologique et les avancements réalisés au niveau de la vaccination de la population contre la Covid-19 ont permis un retour progressif à la normale de l’approvisionnement des marchés et des habitudes d’achat des consommateurs.

Comment la FISA envisage-t-elle de compenser les pertes survenues en temps de crise ?

En effet, les éleveurs et opérateurs du secteur avicole ont subi des pertes colossales à la suite de la pandémie de Covid-19. Pour leur cas, nous ne pouvons pas parler de compensation de pertes en l’absence de soutien financier de l’État ou sans recours à l’endettement qu’ils ne peuvent plus supporter. De même que la compensation des pertes par les ventes n’est pas du tout évidente en ce qui concerne les produits avicoles, devenus produits de première nécessité pour les couches sociales à revenus faibles ou moyens, du moment que les prix de vente pratiqués sur le marché n’arrivent même pas, ou arrivent à peine pour certains, à couvrir les coûts de production élevés pour diverses raisons dont la cherté des matières premières. En raison du caractère vital du secteur avicole, les éleveurs continuent à produire les volailles et les œufs malgré les crises récurrentes en espérant une amélioration de la situation au futur par, entre autres, la mise à niveau des circuits de commercialisation et l’accompagnement de l’Administration surtout concernant le volet exportation.

Quelles sont les aspirations de la FISA en termes d’export de l’œuf marocain ?

Les aspirations de la FISA en termes d’export sur le marché africain concernent tous les produits avicoles (viandes de volailles, poussins, dindonneaux, œufs de consommation, œufs à couver, produits de charcuterie, ovoproduits …).
L’Afrique constitue un marché intéressant pour l’exportation des produits avicoles qui présente un potentiel considérable et des opportunités importantes pour les opérateurs marocains en termes d’échanges commerciaux et d’investissements dans les pays africains. Néanmoins, l’accès à ce marché se heurte à des contraintes, spécifiques à chaque pays, dont les principales sont d’ordre tarifaire (droits de douane élevés), réglementaire (interdiction d’importation des produits finis), logistique (coût de transport élevé et insuffisance de capacités de stockage permettant un flux régulier d’exportation). Ce qui implique donc l’exigence d’adoption d’une stratégie de pénétration appropriée aux contextes respectifs de ces marchés. D’autre part, la FISA et l’Etablissement autonome de contrôle et de coordination des exportations (Morocco Foodex) en partenariat avec l’administration de tutelle ont élaboré une stratégie efficiente pour le développement et la promotion des exportations sur les marchés cibles, et ce par la mise en œuvre des plusieurs actions. Citons dans ce sens les tournées exécutives visant l’établissement de conventions pour lever les contraintes à l’entrée sur les marchés, l’invitation des différents prospects au Maroc pour des formations, stages et des visites guidées au sein des fermes, dans les abattoirs, ainsi que la participation aux salons et foires dans les pays cibles. Parmi ces actions, on cite également la participation des opérateurs marocains et des pays cibles à des rounds de négociation pour des opportunités de partenariat commercial et l’organisation d’évènements promotionnels à destination des distributeurs et consommateurs finaux. Sur le plan communicationnel, nous avons procédé à la réalisation de documentation complète et détaillée sur les produits avicoles marocains disponibles à l’export et leurs caractéristiques (prix, traçabilité sanitaire, label halal, etc.). Nous avons également établi un plan de communication institutionnelle sur les produits avicoles et les produits finis marocains et leurs apports nutritionnels, notamment à travers la diffusion de messages radio.

Peut-on avoir une idée sur les infrastructures dédiées au secteur ?

L’Avipole Casablanca constitue une référence nationale et africaine en matière de formation en aviculture. Depuis sa création en 2015, l’infrastructure dudit centre de formation connaît des améliorations continues. En effet, l’Avipole s’est doté d’unités pédagogiques destinées à la formation pratique et aux expérimentations, à savoir : l’unité d’abattage de proximité, l’abattoir avicole, l’atelier de découpe de viande de volaille, l’atelier de la préparation des produits à base de viande de volaille et le laboratoire d’analyses physiques des aliments destinés à l’alimentation de volailles. Ces infrastructures contribueront à la formation de porteurs de projets d’investissement dans le secteur de l’abattage et la transformation des viandes de volailles. Cela va certainement contribuer à la mise à niveau des unités informelles et à la création de nouvelles structures d’abattage de proximité ou d’abattage industriel qui vont permettre la concrétisation de projets potentiels d’agrégation agricole introduite par le Plan Maroc Vert et soutenue par la nouvelle stratégie agricole «Green Generation».

Quelles sont les revendications des professionnels de la filière après le reclassement de l’aviculture comme activité agricole ?

En fait nous avons deux revendications, la première consiste à faire bénéficier les ovoproduits de la récupération de la TVA non apparente sur le prix d’achat des œufs non transformés d’origine locale, au même titre que ce qui a été accordé aux légumineuses, fruits et légumes dans le cadre de la circulaire précitée. En effet, l’industrie des ovoproduits est spécialisée dans la transformation de l’œuf en œuf liquide pasteurisé entier ou séparé (blanc et jaune) destiné à la consommation humaine et principalement à l’industrie agroalimentaire et à la restauration collective. Le produit fini passe par un procédé de cassage, séparation, pasteurisation et homogénéisation sans aucun rajout de produit modifiant sa texture ou ses propriétés nutritionnelles, de manière à obtenir un œuf entier, blanc ou jaune, indemne de bactéries à caractère pathogène pour le consommateur. Les ovoproduits assurent une utilisation facile de l’œuf tout en préservant ses qualités physico-chimiques et nutritionnelles sans risque de contamination bactériologique. Cette industrie est représentée par 3 unités industrielles au Maroc avec un investissement global d’environ 100 millions de dirhams, une capacité de production globale d’environ 16.000 tonnes/an et avec une création de plus de 100 emplois directs et 100 emplois indirects.Actuellement cette industrie transforme moins de 1% de la quantité totale des œufs consommés pendant que la moyenne de consommation d’ovoproduits en Europe est de 30% de la consommation globale d’œufs. La récupération de la taxe non apparente sur les œufs achetés localement permettrait de réduire le coût de revient de l’œuf transformé de 10%. Sur la base de la quantité transformée actuellement au Maroc qui est de l’ordre de 2.750 tonnes/an, la taxe non apparente récupérée serait de l’ordre de 4,4 millions de dirhams avec une TVA versée à l’État de 11 millions de dirhams. Avec seulement une consommation de 5% en ovoproduits, le coût de revient sera réduit de 10%, soit une économie globale de 22 millions de dirhams (sur la base d’un prix de revient moyen de 16,00 DH/kg et un tonnage de 14.000 tonnes /an). L’État encaisserait 56 millions de dirhams (14.000 x 1.000 x 20 x 20%).

Quel serait l’impact de la récupération de la TVA non apparente sur cette industrie ?

La mise en œuvre de la récupération de la TVA non apparente est de nature à améliorer la compétitivité de notre industrie et à lui permettre de s’imposer sur les marchés à l’export, notamment en Afrique et en Europe, eu égard aux négociations en cours avec la communauté européenne concernant les produits traités thermiquement.
Conformément aux dispositions de la note circulaire n° 726 relatives aux dispositions fiscales de la loi de Finances n°70-15 pour l’année budgétaire 2016, article H, page 29, nous demandons, dans le cadre de la loi de Finances 2019, de faire bénéficier les ovoproduits de la récupération de la TVA non apparente sur le prix d’achat des œufs non transformés d’origine locale, au même titre que ce qui a été accordé aux légumineuses, fruits et légumes dans le cadre de la circulaire précitée.
Il y a lieu de souligner que tout développement du marché suscitera des investissements supplémentaires avec des conséquences positives sur l’emploi et les recettes fiscales de l’État.

Qu’en est-il de la seconde revendication formulée par les professionnels ?

Elle consiste, en effet, à exonérer la filière de la taxe professionnelle (TP) et de la taxe de services communaux (TSC). La loi de Finances pour l’année 2021 a consacré les revenus provenant de l’élevage avicole comme des revenus agricoles. Au sens de l’article 46 du CGI, la production animale relevant du secteur agricole concernait, jusque-là, uniquement la production issue de l’élevage des bovins, ovins, caprins et camélidés, et ce, conformément aux dispositions de la loi de Finances 2014. A compter du 1er janvier 2021, les dispositions de l’article 46 ont été étendues aux revenus provenant de l’élevage de volailles. La note circulaire interprétative précise davantage : «… Concernant particulièrement l’élevage de volailles, il convient de préciser qu’il couvre les activités qui entrent dans la définition d’un revenu agricole basée sur trois critères : le bénéfice réalisé par un éleveur et provenant de toute activité inhérente à l’exploitation d’un cycle de production animale, les produits sont destinés à l’alimentation humaine et/ou animale ainsi que des activités de traitement desdits produits et l’exclusion des activités de transformation réalisées par des moyens industriels». Ainsi, le cycle de production de volailles diffère de celui des autres animaux cités dans l’article 46 susvisé, par le fait que ce cycle comporte la phase intermédiaire de la pondaison, l’incubation et l’éclosion de poussins dont la technique de couvaison est réalisée par des couvoirs. Ces poussins sont destinés, au terme du cycle d’élevage, soit à la vente en tant que volailles de chair, soit pour la production d’œufs. Une telle qualification de l’aviculture en matière d’IR et d’IS est censée, en toute cohérence, déterminer le traitement fiscal approprié en matière de taxe professionnelle (TP) et de taxe de services communaux (TSC). Or, les aviculteurs ont été surpris de se voir taxés au titre desdits impôts et taxes mentionnés (TP & TSC) au titre de l’année 2021.

Que dit la loi dans ce sens ?

En effet, la loi 47-06 relative à la fiscalité locale dispose dans son article 6, relativement à la taxe professionnelle :
A la lumière de la qualification agricole, désormais consacrée pour l’aviculture au niveau de l’article 46 du CGI, et en droite ligne des dispositions susmentionnées de la loi 47-06 pour ce qui est de la taxe professionnelle et la taxe de services communaux, nos opérateurs sectoriels en demeurent exonérés. C’est ainsi qu’il convient d’entériner cette qualification et ses prolongements en matière d’exonération de la taxe professionnelle et de la taxe de services communaux. Il en va de même d’annuler les impositions émises au titre de l’année 2021.

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«Article 6 : Exonérations et réductions

I. – Exonérations et réductions permanentes :

A. – Exonérations permanentes :

Bénéficient de l’exonération totale permanente :

2° – les exploitants agricoles, pour les ventes réalisées en dehors de toute boutique ou magasin, la manipulation et le transport des récoltes et des fruits provenant des terrains qu’ils exploitent ainsi que la vente des animaux vivants qu’ils y élèvent et des produits de l’élevage dont la transformation n’a pas été réalisée par des moyens industriels. Sont exclues de cette exonération, les personnes qui effectuent une activité professionnelle afférente aux opérations d’achat, de vente et/ou d’engraissement d’animaux vivants …»

Par ailleurs, la même loi 47-06 relative à la fiscalité locale dispose dans son article 34, relativement à la taxe de services communaux :

«Article 34 : exonérations

Ne sont pas soumis à la taxe de services communaux, les redevables bénéficiant de l’exonération totale permanente de la taxe d’habitation et de la taxe professionnelle…»

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