Editorial

Ça commence à bien faire !

© D.R

Ce n’est pas possible. Il faut arrêter tout cela. Il ne faut pas toucher au patrimoine culturel marocain. À coup de réformes, vous allez déstabiliser les fondements mêmes de notre personnalité. De notre identité, de notre génie. Tous les apprentis sorciers qui touchent à notre édifice identitaire risquent d’être responsables devant l’Histoire de cet énorme gâchis.
Moi, je suis pour graisser le lacet pour qu’il glisse mieux. C’est comme ça que nous avons toujours fonctionné et vécu. Je suis pour payer un petit café aux fonctionnaires communaux. C’est comme ça que ça se passe. Je suis pour verser des commissions discrètes aux hauts fonctionnaires. Nous les avons toujours motivés de cette manière. Je suis pour brader des terrains de l’État à deux centimes pourvu que ça me rapporte quatre centimes. Je suis pour faire de la politique, la mienne, pour arranger les affaires, les miennes. Nous avons, tous, le biffeton facile. Une forme de politesse raffinée qui allège les procédures, accélère les dossiers, écrabouille les concurrents, saigne les investisseurs, installe des monopoles, fait aboutir dans des délais très raisonnables tous les dossiers, et surtout qui fait de nous des gens riches de nos différences. C’est ce génie-là qui est aujourd’hui attaqué de toutes parts.
Si l’administration se rénove, si les procédures sont allégées et accélérées, si les dossiers prospèrent sans problèmes, si le chantage n’est plus au bout du guichet, même unique, que nous restera-t-il ? On touche là au fond du problème. Combien ? Nous voulons attendre. Nous voulons des files d’attente. Des queues interminables. Des jugements commandés. Des fonctionnaires acariâtres. Des chefs de services gourmands et lippus. Des tamponneurs de tous poils mais rémunérés. Nous voulons être traités comme des vaches à traire. Nous voulons continuer à savoir conjuguer, sous tous les modes, le verbe traire et l’apprendre à nos enfants. Je trais, un peu. Il trait, un point c’est tout. Nous trayons, quand nous pouvons. Le verbe je mange-tu manges, aussi. Trayons-nous avec hardiesse et poigne, mangeons-nous avec délectation et plaisir. Mange et fais manger, sinon celui qui mangera tout seul se pètera l’estomac comme une baudruche. C’est ça notre avenir, personne ne le changera.
Ni le guichet unique, ni les nouveautés sur l’investissement, ni les walis de région, ces premiers de la classe à travers lesquels notre identité est aujourd’hui déstabilisée. Arrêtez, tout. Il ne faut pas lutter contre la corruption. Il faut la généraliser, la cultiver, l’étendre, l’élargir et peut-être bien qu’il faudrait l’enseigner à l’école primaire. C’est un patrimoine collectif qui n’a pas de prix. Le seul mode de redistribution équitable que nous avons trouvé. C’est notre meilleure invention. Celle qui nous a permis de souder la société, d’être attentif aux mal-payés, aux chômeurs, aux déqualifiés et aux autres. C’est une huile qui a lubrifié notre système, stabilisé notre société et nous a ouvert la voie de l’alternance, de la démocratie, des droits de l’Homme et de la liberté d’expression. Oui, monsieur tout cela est vrai. Je suis bien payé, en retour, pour le savoir. Alors, ne gâchez pas tout. C’est dangereux. Vous êtes capables de nous changer notre Maroc.

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