Si les «décideurs» actuels en Algérie voulaient nous envoyer un message clair sur leur capacité de nuisance après le sabotage -de leur fait — du Sommet maghrébin de Tripoli, on peut dire qu’ils ont réussi. Les troubles qu’a vécus Laâyoune, la semaine dernière, sont, dans ce sens, édifiants. Les déclarations anonymes d’un diplomate algérien au quotidien Al Hayat, paraissant à Londres, le 27 mai 2005, confirment notre analyse. Le diplomate craint de voir «la situation prévalant dans la ville occupée de Laâyoune, pousser le Front Polisario à mettre fin au cessez-le-feu en vigueur depuis 1991 au Sahara, sous le contrôle des Nations unies.» Et il ajoute, pour finir le travail, que «l’Algérie souhaite l’arrêt de cette escalade au Sahara.» C’est cousu de fil blanc. Nous sommes dans la logique du pyromane qui crie au feu.
De ce fait, ce que nous avons vu à l’œuvre à Laâyoune est un processus assez simple. Quelques activistes instrumentalisés par les séparatistes, et leur sponsor algérien, ont, dans un contexte de tension algéro-marocaine, mené des actions de provocations inacceptables. De son côté, la force publique, dans son rôle, a dû agir, légitimement, pour rétablir et maintenir l’ordre public. Ensuite, la propagande algérienne s’est saisie de ces évènements pour, sur le plan international, accréditer ces thèses habituelles. La technique est connue, le timing précis et le surdimensionnement caricatural de l’affaire est banal.
Que les unionistes soient largement majoritaires au Sahara marocain est un fait indéniable. Mais qu’une posture séparatiste instrumentalisée se greffe aujourd’hui sur un discours social protestataire, construit sur un chantage permanent et pouvant conduire, dans l’action, à des heurts et à des provocations, est également un fait qu’il ne faut plus occulter. Toute hésitation dans l’application de l’État de droit, fondement de la démocratie, et toute velléité de faire perdurer au Sahara marocain un état d’exception économique profitant essentiellement à quelques notables corrompus au nationalisme lâche poussent, objectivement, un certain nombre de Sahraouis marocains dans des postures séparatistes.
L’objectif de cette posture séparatiste n’est pas, contrairement à ce que l’on peut croire, l’indépendance du Sahara -elle est exclue- mais d’améliorer la capacité de négociation d’une frange de la population avec l’État, alors que les relais traditionnels sont largement discrédités (partis politiques non représentatifs, associations factices, notables repus, fonctionnaires opportunistes, Chioukh au pouvoir obsolète…)
Cette posture s’est renforcée parce que d’aucuns ont voulu faire croire, notamment durant la dernière décennie, aux Sahraouis marocains que la marocanité dans cette région ne se décline qu’en termes de droits, souvent indus, et non, également, en termes de devoirs devant toujours être assumés. Quand la confusion s’installe entre la citoyenneté réelle et pleine, et le clientélisme entretenu par une administration poreuse, adossée à des notables insatiables, les causes les plus sacrées sont dévoyées.
Si on ajoute à cela le fait que les difficultés naturelles -nous sommes dans un processus- que peut rencontrer la jeune démocratie marocaine se trouvent exacerbées dans nos provinces du Sud, à cause justement de l’effort exceptionnel, et sans précédent, que fait la nation toute entière pour leur intégration politique, économique et sociale, nous avons le cadre exact dans lequel les manipulations des adversaires de l’intégrité territoriale du Royaume peuvent prospérer.
Le Maroc, sûr de son bon droit et de ses choix légitimes, ne peut qu’avancer. Que l’on se rassure. Le séparatisme basque contré par un État résolu et ferme, et une société civile vigilante, n’a pas pu freiner la marche de la démocratie espagnole. Les indépendantistes corses n’ont pas pu, eux non plus, réussir à faire fléchir l’État de droit républicain en France. En Grande-Bretagne, les séparatistes irlandais ont dû, finalement, se résoudre à vivre sous l’Union. Le séparatisme sahraoui, à très faible valeur ajoutée nationaliste, créé d’une manière factice par le pouvoir algérien à des fins hégémoniques, ne peut pas obtenir gain de cause contre la volonté d’une nation farouchement attachée à son intégrité territoriale.