Dans notre édition d’hier, Nadia Yassine a fait fort. La fille du «guide spirituel du mouvement Al Adl Wal Ihssane», comme on l’a un peu trop pompeusement nommée, a réussi, sur un sujet d’actualité assez sensible et assez inspirant, à nous servir des banalités assez solides. Dire sur un sujet, comme la réforme de la Moudawana, qu’il faut, avant toute action, d’abord – là est la clé- changer les mentalités est décevant. Elle se cache derrière le temps de la sociologie, qui est forcément plus long, pour ne pas être saisie par le temps de la politique, qui est, par définition, plus incisif et plus rapide.
Nadia nous a habitués à mieux. On peut ne jamais être d’accord avec elle, mais elle a souvent eu, pour défendre sa cause, du panache, le verbe fleuri et le ton enflammé. Dire que c’est une question de mentalité n’est pas un argument en soi. C’est astucieux, mais ça reste du bruit. Ceci étant, elle n’est pas la seule à user de cette rhétorique du pauvre. Il y a plus pire, comme on dit maintenant, comme si le pire qui fait d’ordinaire notre quotidien de tous les jours n’était pas suffisant.
Le bêtisier de la transition est plein de ce genre d’illuminations de salon. Pour lutter contre la dérive terroriste des intégristes marocains, il faut d’abord – on le retrouve- lutter contre le chômage, la misère, la crise du logement, etc… Mais ça, mon gars, ça s’appelle la croissance ou le développement. Et ça ne se trouve pas au coin de la rue et surtout pas sous les bombes. Il faut peut-être commencer par appliquer la loi et neutraliser l’action des criminels et des terroristes. Mais, dans les salons où l’on cause, on peut briller avec peu. Même si le peu est vraiment peu. Le Maroc n’est prêt ni à la réforme, ni à la transformation sociale ni à la démocratie. Il faut d’abord – encore ! – conscientiser la population. A moins d’importer massivement des Scandinaves de substitution, les Marocains sont ce qu’ils sont. Et ça aussi, ça porte un nom. Si justement, Monsieur le pertinent, les Marocains sont ce qu’ils sont, c’est parce qu’ il n’y a eu ni réforme, ni transformation, ni démocratie. Le préalable que tu nous imposes doctement, Monsieur l’intelligent à plein temps, doit être normalement, et si je ne m’abuse, le résultat de la politique que tu récuses. Or, justement, comme elle n’est pas mise en oeuvre, on ne voit pas comment tu peux en cueillir les fruits.
Autre fulgurance, piquée au hasard dans le bêtisier de la transition. Le Maroc ne peut pas prendre le chemin de la croissance et recevoir les investissements qu’il mérite s’il ne réforme pas – d’abord (!!??) – la justice, l’administration, la fiscalité, le sport, les infrastructures, les mentalités, le circuit des déchets solides, les retraites, la CNSS, l’ONCF, etc. Là, il faut être clair. Ça fait beaucoup pour un seul pays. Soit tout cela est réformé sans croissance et sans investissements, dans ce cas, on se demande où est, encore, le problème. Soit il ne l’est pas et on se demanderait, alors, sans coup férir, comment il peut le faire sans, précisément, la croissance et l’investissement. Soyez déjà développé si vous voulez que l’on daigne vous développer! Balivernes. Et d’abord, Il n’y a pas de raison pour que cela cesse tout de suite.