Éditorial : Devancer les tendances

Les chaînes de valeur mondiales sur lesquelles le Maroc s’est positionné depuis quelques années ne sont pas les plus ouvertes ni les plus faciles d’accès. Elles se jouent dans des secteurs de pointe, où la concurrence est féroce et où l’exigence est absolue. Pour y être accepté, mieux encore, pour y être recherché, il faut répondre à trois critères incontournables : la compétence, la rapidité, et le coût.
Sur le premier paramètre, celui du savoir-faire, le Maroc a fait le choix lucide d’investir très tôt dans la formation aux métiers nouveaux : ingénierie automobile, maintenance aéronautique, électronique, énergies renouvelables, digital manufacturing… Ces choix, souvent jugés ambitieux, voire prématurés à l’époque, portent aujourd’hui leurs fruits. Ils permettent au Royaume de figurer sur les radars des plus grands donneurs d’ordre mondiaux, non plus comme un simple site d’assemblage, mais comme une plateforme de production complète, conforme aux meilleurs standards internationaux.
Sur le second paramètre, celui du temps, le Maroc a également pris une longueur d’avance. Les gigantesques programmes d’infrastructures engagés depuis deux décennies — autoroutes, ports, LGV, zones industrielles intégrées — ont tissé un maillage logistique d’une densité rare sur le continent. Résultat : des délais maîtrisés, une connectivité exemplaire, et une proximité géographique et opérationnelle qui place le Maroc à quelques heures des marchés européens, africains et américains.
Quant au coût, il ne s’agit plus simplement de compétitivité salariale, mais d’un écosystème globalement attractif : énergie renouvelable disponible, fiscalité incitative, stabilité politique, et désormais une charte de l’investissement repensée pour répondre aux attentes des industriels les plus exigeants. Ce n’est pas un hasard si le Royaume attire, dans un contexte mondial tendu, des projets de relocalisation stratégique, d’usines de batteries, ou de composants électroniques.
En somme, ce qui se joue aujourd’hui n’est pas le fruit du hasard, mais celui d’une anticipation éclairée. Le Maroc récolte les résultats d’une vision royale qui a su miser, bien avant les autres, sur la convergence entre l’humain, l’infrastructure et la gouvernance. Là où d’autres réagissent, le Maroc avait prévu. Là où d’autres s’adaptent, le Maroc avance.
Et c’est peut-être cela, au fond, la vraie définition du leadership dans les chaînes de valeur mondiales : ne pas suivre la tendance, mais la précéder.