Editorial

Jugeons nos juges !

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Les sanctions disciplinaires récentes du Conseil supérieur de la magistrature ont été prises dans une démarche ordinaire. Il n’y a rien d’exceptionnel à ce que cette haute institution, conformément à ses prérogatives constitutionnelles, sanctionne, châtie ou corrige des magistrats dont elle a eu à connaître les méfaits.
Dans un secteur aussi stratégique, pour le développement de notre pays et pour la progression de l’idée de justice dans notre société, que la magistrature et les acteurs du droit soient tenus à l’exemplarité dans leurs agissements et dans leurs décisions est un fait non seulement fondamental mais constitutif de leur profession. Au fond, c’est sur la justice, sa probité et son honnêteté que reposent nos institutions monarchiques. C’est aussi, et surtout, sur la bonne santé morale de cette justice que la pérennité et la modernisation des institutions se construisent.
Mais il faut souligner que dans la phase historique que traverse notre pays toutes les professions sont à construire, à consolider ou carrément à mettre, d’une manière volontariste, à niveau. Médecins, architectes, avocats, journalistes, juges, pharmaciens, ingénieurs, commissaires de police, fonctionnaires, dentistes, aucune de ces professions, et bien d’autres, ne peut nier l’existence en son sein de brebis galeuses, d’imposteurs arrogants ou de dangereux amateurs.
C’est un fait indéniable. Mais puisque, aujourd’hui, on parle des magistrats, il n’est pas inutile de rappeler que cette profession, particulièrement, a besoin, pour la projeter sérieusement dans l’avenir, d’une rémunération « dissuasive », d’une formation continue et de plus en plus spécialisée et surtout d’une véritable indépendance, fondée sur la séparation du pouvoir, sans laquelle le métier même de magistrat n’existerait pas.
Si l’administration continue à gérer les carrières des magistrats, si ceux-ci continuent à subir la pression constante du ministère public ou du parquet, si leur sort personnel, et celui de leurs jugements, dans bien des cas, continuent à dépendre du ministre de la Justice, de ses directeurs centraux ou même parfois de son Cabinet, il est bien clair que nous serons toujours loin des exigences que nous avons à l’égard de notre justice.
L’architecture de notre justice est à redessiner. Mohamed Bouzoubâa, le ministre actuel de la Justice, pour avoir fréquenté pendant des années les prétoires et les arcanes des tribunaux et du ministère, connaît le diagnostic et les maux dont souffre ce secteur vital du pays. Nous ne lui ferons pas l’affront de croire qu’il ignore tout cela. Mais ce dont ce département a souffert pendant des années, ou presque depuis toujours, c’est de l’absence d’un ministre qui a une vision juste de la justice, une autorité morale indiscutable, une légitimité politique incontestée et surtout un vrai courage pour agir, réformer et affronter les baronnies, les corporations et les clans qui minent ce secteur. Ce ministre-là, a beaucoup manqué. Mohamed Bouzoubâa pourra-t-il l’incarner ? Nous ne voulons pas en douter.

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