La volonté de Driss Jettou de constituer un gouvernement efficace, expert et opérationnel est manifeste. Loin du jeu d’équilibre entre les partis politiques, c’est dans la qualité des hommes que cette affaire va se jouer. Le Premier ministre sera très attendu sur ce point. Alors que, comme l’avance Ali Sedjari, «la politique marocaine de reproduction des élites est désuète». Driss Jettou a dans cette phase cruciale que traverse le pays la responsabilité – encore une – de faire émerger une élite gouvernementale nouvelle et moderne susceptible d’être, par son courage et sa vision, à la hauteur des attentes du pays.
Or la situation de nos élites parmi lesquelles, naturellement, le Premier ministre doit puiser les membres de son gouvernement est sinistrée. Sur ce point, toujours, le professeur Sedjari est formel : «Partout aujourd’hui nous voyons -au Parlement, au sein des partis, des syndicats, de la haute fonction publique, de l’université, des médias, du champ économique- des élites amorphes, des élites serviles, des élites qui ne savent pas quelle est leur mission et qui subissent, parce qu’elles n’ont pas réussi à l’empêcher, la crise de la représentation politique et de manière générale l’effilochage de du lien social». L’on constate bien que le tâche de Driss Jettou ne sera pas facile, d’autant plus que nos partis politiques ont la fâcheuse habitude de proposer des ministrables sur la base de critères très opaques et souvent discutables.
Le fond du problème, c’est qu’au sein des formations politiques, l’écrémage des élites ministrables se base uniquement sur les liens de dévotion, de soumission, ou d’allégeance qu’ont les prétendants vis-à-vis du «zaim». Un système de servilité comme celui-là, qui tourne le dos au mérite, à la compétence ou tout simplement à l’intelligence, produit nécessairement un personnel ministériel de mauvaise qualité. Même le gouvernement de l’alternance n’avait pas échappé à ce travers rédhibitoire. Sans vouloir accabler outre mesure, et par anticipation, Driss Jettou, il devra à notre sens aller au-delà des habitudes qui ont prévalu jusqu’à ce jour et aller choisir lui-même d’une manière volontariste au sein des partis politiques les personnalités les plus aptes à siéger au gouvernement. Il ne pourra pas décemment se contenter de ce qu’on lui proposera sans exposer son exécutif à des déboires certains.
Choisir volontairement ou refuser fermement des candidats, le Premier ministre devra le faire en toute responsabilité, s’il tient à augmenter la capacité opérationnelle de son équipe. Les qualités humaines reconnues au Premier ministre seront sollicitées également sur ce volet de la constitution de son équipe. L’enjeu est capital.
• Figure moderne de l’élite marocaine ou la conscience d’être utile in Elites, Gouvernance et gestion du Changement. Sous le direction de Ali Sedjari. Ed. l’Harmattan Gret. 2002