Editorial

L’araignée fait l’impasse sur la grotte.

© D.R

Est-ce que vous pensez que Ben Laden va s’en tirer ? C’est peu probable. J’ai cru comprendre que les Américains sont vachement remontés contre lui. Ils ne vont pas le lâcher de si tôt.
Il va payer doublement pour les Twin Towers. Même dans sa grotte au fond de la montagne, il ne pourra jamais s’estimer à l’abri. À moins qu’une araignée vienne brouiller les pistes, mais là il ne faut pas rêver.
Le miracle est unique et Dieu n’a jamais aimé les faux prophètes. Ben Laden est traqué par la première puissance mondiale, elle même, soutenue par pratiquement tous les autres pays du monde. C’est pour vous dire sa chance de s’en tirer.
Qu’il soit à Kandahar, ou au Café des amis à Benslimane, c’est la même chose. Pour les Américains, dès qu’il y a le fils de Laden dans l’air, il y a dix B52 qui décollent. Alors pour les dégâts, ils s’en foutent.
Vous pouvez leur dire, attention dans le Café des amis il y plein de civils endommagés par la vie, alors si vous ajoutez vos dommages à vous-mêmes, s’ils sont collatéraux, ça va faire mal. En plus casser comme ça un café crème tasse ou verre, un café moitié-moitié verre ou tasse, un noir tasse ou un noir verre, ou même un café-café, ce n’est pas bien.
Boire un café moitié-moitié à Benslimane relève des droits de l’Homme.
Les B52 n’ont pas le droit de le gâcher. Ce plaisir est protégé par les conventions internationales de l’ONU, l’intangibilité des frontières en Afrique, le droit des hommes de disposer de leur temps au café du quartier. Et plus encore. Alors les B52, au sol. Ceci étant, les Américains sont, trop, bien. Quand ils bougent avec leurs armées, leurs bâteaux et leurs avions, il y a toujours un Anglais pas très loin.
C’est bizarre. Soit il pousse pour que ça marche, soit il tend quelque chose, soit tout simplement il frappe dans les mains pour mettre l’ambiance.
L’Anglais est joyeux, c’est vrai. Mais les Yankees, eux, quand ils bougent c’est l’Histoire du monde qui s’écrit en direct. Quand tu es un jeune de Mazar, Tora Bora, Kaboul ou Kunduz et que tu vois une colonne de blindés foncer vers Kandahar il ne faut pas s’y opposer avec son frêle corps.
On ne peut pas arrêter l’Histoire. L’Histoire, quand elle est en marche, ces derniers temps, elle est souvent américaine. C’est comme ça et pas autrement. Il a fallu dans une partie d’échecs truquée, comme ils disent à la télé, qu’un fou pique deux tours pour que l’Histoire se mette en branle. Et que les Américains sortent de leur grosse poche leur gros stylo pour commencer à écrire avec leur grosse main l’Histoire. La grosse.
Mais ce qui est nouveau cette fois-ci avec nos amis amerloques, c’est qu’ils n’écrivent pas que l’histoire. Ils écrivent aussi la géographie. Sous les bombes, il y a des montagnes qui ont disparu, des collines qui se sont cachées derrière des fleuves, des rivières qui ont changé de cours, vulgairement comme à la côte, des plateaux qui sont devenus montagnes, des plaines qui se sont fripées pour donner lieu à des massifs pré-montagneux au climat anti-sympathique. Oui, quand l’armada passe l’Histoire est écrite, mais la géographie, elle-même, est modifiée. Moi-même, à la télé j’ai vu deux collines filer à l’anglaise.
Il faudrait, après tout ça, des milliers de topographes et de géomètres pour refaire la cartographie de l’Afghanistan. Mètre par mètre. Pierre par pierre.
D’ailleurs quand on dit qu’un pays est rayé de la carte, c’est faux, il est simplement modifié. Car même quand on raye un pays, la carte existe toujours, et le relief aussi. En temps de paix.
Maintenant, si vous voyez une araignée, à côté d’une grotte, se préparant à tisser une toile, méfiez-vous. Il se peut que l’araignée soit simplement en train de jouer à réécrire l’histoire. Un jeu idiot.

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