Editorial

Le Burnous de Hamid

© D.R

Les récents voyages notamment aux USA et en Grande-Bretagne du chef du gouvernement intérimaire Afghan, Hamid Karzaï ont quelque chose d’indécent. On ne peut pas définir avec exactitude cette impression, mais on la sent confusément sourdre quand on voit ses déplacements diplomatiques surdimensionnés par un protocole plus que surfait et par une bienveillance qui se veut amicale plus que disproportionnée.
Il y a de la gêne, c’est incontestable. On ne sait pas de quelle guerre Hamid Karzaï est le héros. De quel génie politique international il peut se prévaloir. Et de quels talents multiples et divers il peut se réclamer. Sa main tendue en permanence, ses habits, vraiment, neufs, son sourire plus que de circonstance et surtout sa manie de demander des sous là où il passe comme si les uns et les autres devaient s’acquitter d’une dette d’honneur à son égard.
Cette posture, que l’on peut qualifier, avec un peu d’excès, d’agent de recouvrement, fragilise un peu plus cet Afghanistan désormais sous tutelle directe, et fait passer Hamid Karzaï pour un syndic nommé par les USA pour liquider une certaine forme d’indépendance de son pays. On le ressent clairement, tellement les images de son déplacement installent un vrai malaise.
Les Américains ont fait la guerre d’un Golfe à la tête d’une coalition internationale disparate et « nombreuse ». Il a fallu partager le butin avec d’autres. Et tous les supplétifs avaient un appétit féroce. Dans le cas de l’Afghanistan, ils ont retenu la leçon, ils ont fait la guerre, seuls. Personne ne leur contestera la propriété matérielle et intellectuelle du butin. Ils peuvent se servir et ils ne se gênent, pas même s’il faut donner un petit pourboire à Hamid Karzaï pour calmer les gueux.
Le contrôle de fait de cette partie de l’Asie et de son sous-sol par la puissance américaine, directement et exclusivement, est une nouvelle donne géopolitique considérable dans cette région explosive du monde. Cette présence qui a été autrefois généreusement négociée directement avec les Taliban, et sans le souci des droits de l’homme, est aujourd’hui acquise avec notamment Hamid Karzaï.
La lutte légitime contre le terrorisme international et sa sauvagerie peut engendrer parfois, et c’est le cas, des dividendes inespérés. Ou espérés, c’est selon.
Hamid Karzaï, son vert burnous très vert, son profil d’Afghan sympathique, ses manières de « bon gars » et son attitude policée nous gênent par ses déplacements d’agent comptable qui veut faire son chiffre. Même payé au pourcentage sur les douleurs de la région, il ne ferait pas autant de zèle. Nous, ce qu’on voulait naïvement c’est que le nouvel ordre mondial, après le 11 septembre, soit plus porteur de justice et d’égalité pour les peuples, qu’il soit moins arrogant et cynique. Rien de tout cela. La Palestine continue à flamber, Oussama Ben Laden est dans la nature, le Mollah Omar aussi, Yasser Arafat est toujours cloîtré, Sharon le criminel regrettant de ne pas l’avoir liquidé il y a longtemps, et Geroges W. Bush est toujours aussi aligné sur les positions des sionistes les plus ultra. Ce ne sont pas les pourboires donnés à Hamid Karzaï qui vont nous faire oublier. On n’oublie, d’ailleurs, jamais rien.

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