Editorial

Le débat vicieux

© D.R

Les affaires de presse se retrouvent au coeur de l’actualité de notre pays. La grâce royale d’Agadir a concerné un certain nombre de nos confrères. Sur le principe et sur le fond et au-delà des personnes, on ne peut que se réjouir de leur libération. Mais, force est de constater que cette grâce, malheureusement, ne règle pas les vrais problèmes que pose l’exercice de cette profession au Maroc. On a beau être résolument contre les peines privatives de liberté à l’encontre des journalistes professionnels, si le code de la presse marocaine n’est pas changé, dans les délais les plus rapides, la simple application de la loi telle qu’elle est aujourd’hui aboutira, dans des échéances assez brèves, à de nouvelles condamnations. Le brouillard qui entoure chez nous la notion de délit d’opinion doit être levé au plus vite car il jette un doute sérieux sur le libre exercice, pourtant réel et indiscutable, de la liberté d’expression dans notre pays. Cela porte également atteinte, il faut le redire, au processus et à la transition démocratiques que nous vivons. La liberté d’expression du journaliste est-elle absolue ? Si tel est son droit, que sont alors ses devoirs ? Que dit la loi dans ce domaine dans les pays les plus avancés sur le plan démocratique ? Quelles sont les dispositions dans ces pays pour tout ce qui touche à la personne du chef de l’Etat et de sa famille, à la sécurité du pays et aux institutions ? En fait, c’est un débat foireux. Nous connaissons, tous, les réponses et l’on fait, tous, semblant de redécouvrir à chaque fois la lune. En réalité, nous ne sommes pas conséquents avec nous-mêmes. Notre système n’est pas au point. Et il n’est pas, non plus, immunisé par le droit contre les provocations en tout genre, car, justement notre loi en la matière n’est pas claire, vague, évasive ou inutilement sévère dans certains cas, quand elle n’est pas tout simplement mauvaise. Prenons un exemple pour être plus explicite. N’importe qui dans notre pays brandissant l’étendard d’un journaliste, total et absolu et se considérant comme un super citoyen, au-dessus de toutes les lois, libéré de tout devoir et de toute responsabilité peut commettre un outrage à la personne du Roi. Il peut le faire sciemment, dans un but provocateur, mercantile, politicien, nihiliste ou simplement imbécile. Que va-t-il se passer alors ? Outrage au Roi -Jugement- condamnation- Prison- mobilisation- Robert Menard- dégradation de l’image du pays- Nuisances multiples et diverses- et… grâce royale. La boucle est bouclée. Cela peut durer des années comme cela. Mais cela n’est pas, bien évidemment, une règle du jeu sérieuse pour une profession sérieuse. Pour ce qui concerne les journalistes, la grâce royale d’Agadir doit être, nous semble-t-il, l’occasion rêvée pour ouvrir, de nouveau et de manière plus responsable que par le passé, le chantier de la réforme du code de la presse. L’implication des journalistes doit être massive, totale et sans réserves dans l’élaboration de ce nouveau texte qui leur sera, en définitive, opposé. Ce n’est que par le biais d’un texte admis solennellement par la profession, et auquel elle aura largement participé, que l’on pourra construire un cadre juridique indiscutable pour accompagner l’enracinement de la démocratie et de la liberté d’expression dans notre pays.

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