Editorial

Les petits calculs du petit Aznar

© D.R

Nos relations avec l’Espagne sont mauvaises. L’impact de cette détérioration sur les relations bilatérales est tel que l’on parle désormais de crise historique sans précédent. L’origine de cette situation est à trouver dans l’évolution de l’économie, de la société et de la vie politique espagnoles de ces 25 dernières années sous les coups de boutoirs d’une européanisation accélérée, plus subie que produite par une dynamique nationale assumée.
La dictature franquiste a sorti, partiellement, l’Espagne du sous-développement en jetant les bases d’une croissance économique «autoritaire», aristocratique, militarisée, dominée par un système prébendier et une culture de la rente. Cette dictature n’a pas fait pour autant de ce pays un Etat moderne, ouvert, solidaire, démocratique et attaché aux principes des droits de l’Homme et du bon voisinage. C’est normal, ce n’est pas ce que l’on attend d’une dictature.
Mais, le problème, c’est quand, après la chute de la dictature, cette culture d’une société raciste, haineuse et fermée devient une politique d’Etat à la faveur de la victoire d’un parti conservateur de droite, le Partido Popular (PP) en l’occurrence, aux élections espagnoles. Mieux, cette culture, contre les propres intérêts de l’Espagne, devient «impériale» à chaque fois que les enjeux électoraux deviennent cruciaux. À l’égard du Maroc et des Marocains, cette politique s’exprime d’une manière caricaturale, manipulatrice et raciste. Les premières victimes de cette politique sont les Espagnols eux-mêmes qui sont traités avec les mêmes procédés de désinformation et de mépris que ceux utilisés autrefois par la dictature. C’est un retour en arrière grave pour un pays qui se dit attaché aux valeurs de l’Europe.
Les Espagnols ne peuvent pas tolérer d’être traités par Jose Maria Aznar, le chef du PP, comme des «boeufs». Ils doivent pouvoir savoir légitimement où va l’Espagne aujourd’hui ? Qui est-elle ? Et quel est son environnement ?
Comment Aznar peut-il expliquer à un Espagnol que son pays est un modèle européen d’humanisme alors que la violence raciste notamment anti-marocaine est telle qu’elle confine à l’institutionnalisation de la xénophobie ?
Comment ce Premier ministre peut-il faire valoir une démarche responsable à l’égard des siens alors qu’il prend en otage les relations bilatérales entre le Maroc et l’Espagne pour des raisons strictement électorales ?
Comment peut-il présenter l’Espagne comme un pays attaché à l’indépendance des peuples alors qu’il organise et soutient, à Sebta et Melillia, deux villes marocaines, le système colonialiste et féodal le plus primitif qu’ait connu l’histoire de la région ?
Comment peut-il financer avec l’argent des contribuables espagnols, par des subventions détournées, le Polisario, c’est-à-dire des mercenaires séparatistes marocains en Espagne alors qu’il affirme lutter contre le séparatisme de l’ETA dans son propre pays ?
Comment ce monsieur peut-il faire croire aux Espagnols que leur pays est attaché à une économie saine et libérale, porteuse d’esprit d’entreprise et de liberté, alors qu’il entretient chez nous la contrebande la plus immonde de sous- produits aux normes plus que douteuses qui, du Nord au Sud, est en train de miner l’économie marocaine pour des milliards de dirhams par an ? Jamais le Maroc ne pourra construire une économie saine tant qu’existeront dans notre pays deux verrues coloniales qui ruinent tout effort économique national. Sur ce sujet grave, précis et quantifiable, la responsabilité espagnole est plus qu’engagée.
Comment, finalement M. Aznar, peut-il faire croire à ses concitoyens que son pays est victime de la drogue ou de l’immigration clandestine marocaines, alors que son pays n’a jamais sérieusement assumé ses obligations sécuritaires et budgétaires, notamment européennes sur ces deux sujets ? Les mafias de l’immigration clandestine les plus importantes sont espagnoles. Le marché de la drogue le plus juteux (la valeur ajoutée est multipliée pour le haschich d’au moins 50) dans un pays où la consommation est tolérée, est bien l’Espagne.
On peut continuer à poser des questions à M. Aznar, mais ce n’est pas productif. L’autisme politique dont il fait preuve le dispense bien évidemment de nos récriminations. Mais il doit quand même savoir que l’influence espagnole au Maroc doit être le produit d’une histoire culturelle pacifique entre les deux peuples, d’un échange fructueux entre les deux économies, d’un respect mutuel et scrupuleux des deux souverainetés, et d’un souci de l’autre qui ne doit être ni mercantile, ni électoraliste.
Cette influence, car nous ne sommes pas des naïfs, peut être également le produit d’un rapport de force, mais celui-ci ne peut aucunement se faire au détriment du Maroc et de son Roi. Nous ne cherchons ni protecteur, ni tuteur. Nous ne voulons ni voisin condescendant et manipulateur, ni partenaire dominant et arrogant. L’honneur des peuples est à ce prix. Tout le reste, si les conditions d’honnêteté et de respect sont réunies peut être discuté, ou pas, d’ailleurs. Désormais, la question n’est plus là. Surtout, quand il s’agit de dignité.

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