Editorial

Les pétomanes de la fête

© D.R

La culture populaire marocaine, dans sa grande sagesse, sait nommer les choses. En général, c’est juste, ciblé et coloré. Dans une fête familiale, ceux qui gâchent la joie des autres, par des comportements de malotrus et des attitudes sans-gêne sont appelés, excusez la faiblesse de la traduction , les «pétomanes de la fête.» La métaphore est assurément olfactive et vraisemblablement sonore, mais, au total, elle ne laisse la place à aucun nuage de doute sur les intentions de ces malappris. Ils chargent l’ambiance. Ils l’alourdissent. Et finalement, ils la plombent.
Casablanca se donne les moyens d’organiser en grand une très belle fête pour accueillir Zaki et son équipe. Tapis rouge. Gros dispositif et mille petites attentions à l’égard du public et de ses héros. Un joli match, une belle ambiance, un public magnifique, une organisation sérieuse, une mobilisation au niveau des deux chaînes marocaines et une antenne largement ouverte. Casablanca a tout prévu, et plutôt bien, sauf le fait que cette fête admirable allait être squattée par les fameux «pétomanes» professionnels.
On ne voyait qu’eux sur les images. De la racaille de dirigeants de foot qui ont justement toujours méprisé Zaki, aux animateurs de quinzaines commerciales, envahissants comme ils se doit, en passant par des journalistes porteurs de faux micros, de fausses caméras et de faux appareils-photos qui confondent largement le tourisme et l’immigration. Dans le stade : eux. Sur le podium: eux. À la tribune d’honneur : eux. Et, finalement, sur le car décapotable des Lions : encore, une fois eux. Il n’y en avait que pour eux, à en vomir.
On aurait aimé voir un podium propre. Dégagé. Clean. Un car d’honneur respecté. Une distribution limpide des cadeaux de la ville aux joueurs. Des images de télé belles et non polluées. Mais rien de tout cela n’était visible. Les pétomanes avaient pris le pouvoir et détourné à leur profit une manifestation unique.
Devant l’écran, on partageait la rage sourde et perceptible du wali M’hamed Dryef. On sentait la colère pacifique et civilisée du Maire Mohamed Sajid. Et l’on imaginait l’exaspération des responsables des forces de l’ordre qui, finalement, ont appris, presque, à tout gérer sauf, bien entendu, –mais qui peut le faire ? – une attaque en règle de pétomanes déchaînés.
Séquence : Un responsable bloqué à la montée du car, un comique assez tenace. Celui-ci exhibe un micro sans fil, probablement éteint, -cela veut tout dire – et monte sans coup férir. Après, un animateur de radio locale assez exalté décide de monter. Il n’a pas de micro en main, il se fait gicler. Il monte quand même et fait semblant de regarder ailleurs avant de se faire re-gicler. Voyant la manoeuvre, une journaliste de télé, blonde de son état, fait mine de monter. Stoppée net, elle se met à crier. Ses cris couvraient la clameur du stade. Entre-temps, un autre journaliste télé, petit de son état, profitant de ses attributs, se faufile et monte. Il démarre sur le champ une interview d’un joueur et la fait durer jusqu’au démarrage du véhicule de peur de se faire descendre.
Avant tout cela, de l’autobus de luxe emmenant les Lions de Rabat à Casa, on a vu descendre –il a fait bien sûr tout le voyage – un autre journaliste télé, qui a, bien sûr, fait la bise avec chaleur et force remerciements et congratulations à tous les officiels accueillant l’équipe comme s’il avait marqué 5 buts à Tunis ou, plutôt,comme si on avait organisé tout ce «Tralala» pour sa sérénissime sainteté.
2010 au Maroc ? Non, sans vouloir chagriner Saâd Kettani, ce n’est pas possible. Ou, peut- être à deux conditions. Un. Créer une Haute commission d’enquête et de visionnage de la fête et identifier, un par un, tous les pétomanes avant de les déférer devant la Cour spéciale Gaz et Flatulence. Deux. Faire voter par le Parlement, à l’unanimité de préférence, comme pour la loi antiterroriste, une loi anti-pétomanes-de-fête. C’est désormais le seul moyen de pouvoir organiser quelque chose de valable dans ce pays.

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