Editorial

Les yeux de la nuit

© D.R

«La BNPJ de Casa-Anfa et son laboratoire scientifique ont réussi la prouesse d’identifier le meurtrier de la victime trouvée découpée et mise dans des cartons dans le quartier du Maârif. Les fins limiers de la police ont réussi à résoudre l’énigme en analysant les yeux de la victime qui gardaient l’image du meurtrier. » Vous comprenez bien que ces propos visionnaires que nous pouvons lire dans l’excellent hebdomadaire la Gazette du Maroc de notre excellent ami Kamal Lahlou n’allaient pas passer inaperçus.
Mais que mes amis me pardonnent, mais le gars qui a rédigé ce digest a les yeux un peu plus gros que le ventre. On louche tous sur un scoop mais là, il y a comme strabisme idéologique divergent. Comment les yeux d’un mort peuvent-ils garder l’image d’un meurtrier ? Quel est le procédé utilisé par les fins limiers du labo ? A-t-on breveté cette trouvaille internationale ? À la lecture de cette info les questions tombent en rafale, pas les réponses malheureusement. On connaît, depuis toujours l’usage poétique de la prunelle des yeux, mais cet usage policier nous laisse un peu dans le brouillard. Vous voyez ce que je veux dire.
Pourquoi les yeux de Mme Maréchal n’ont pas disculpé Omar Raddad ? Hein ! C’est peut-être parce que la police française n’y a vu que du feu. Oui, mais quand même. Elle aurait pu faire appel à la BNPJ de chez nous et à son labo visionnaire. Un coup de projo et hop. L’assassin dans la catégorie crime crapuleux pour cette saison pour l’intégralité de son oeuvre est … désolé mais la photo est floue. La victime a dû être trucidée par derrière. Et là, on ne voit que dalle. Dialogue léger et incident : «Tu la revois encore ?»
«Non.» «Tais-toi, menteur !» «Tes yeux parlent, malgré ton regard fuyant. Et ta bouche ne débite que des mensonges. J’appelle la BNPJ tout de suite.» «Mais non chérie, nous avons écrit notre histoire d’amour à l’encre de tes yeux, mais s’il te plaît pas le labo» «Ha, ha, tu avoues scélérat. Ta passion t’aveugle. Tu ne savais pas que les yeux de l’homme infidèle gardent l’image indélébile de son forfait. Une photo de ses frasques. Un cliché de sa trahison. Un instantané de son plaisir fugace et illicite. » Fin provisoire de l’échange.
On le voit bien, les dégâts que risque d’occasionner cette découverte sont considérables. Et Zwita – le nom de l’assassin présumé qui se serait suicidé avant son arrestation – va rentrer dans l’histoire à titre posthume, bien sûr, et à son corps défendant, comme l’emblème de la méthode utilisée pour le confondre. Les Français ont la méthode Coué et nous, nous avons la méthode Zwita.
Maintenant, que nous montrerons les yeux de Zwita ? Sa propre image, puisqu’il s’est donné la mort. Une mise en abîme morbide et infinie, les yeux dans les yeux, qui durera jusqu’à la fin des temps immémoriaux. «Allez où vos yeux vous mènent, Dieu les fermera un jour». Ainsi, parlait le poète, un clin d’oeil au destin.

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