Editorial

L’essence du vide

© D.R

Quand les intellectuels se taisent ce sont les journalistiques qui remplissent le vide. Justement, par le vide lui-même. Cette donnée est aujourd’hui une caractéristique de la vie politique, culturelle et sociale marocaine. La vie médiatique se substitue à la vie tout court, et elle nous restitue une image de notre société grossie, déformée, amplifiée ou parfois complètement trafiquée.
Dans notre pays le journaliste est à la fois homme politique, sociologue, politologue, historien, économiste et parfois même – ce qu’il considère comme un accomplissement professionnel – conseiller du Prince. Alors que pour toutes ces qualités, ces savoirs, ces disciplines un minimum de qualification, qui légitimerait ces discours experts, est requis.
Cette déviance est chez nous renforcée par le silence des intellectuels. Ceux-ci malmenés dans leur statut, non reconnus en tant que tels, niés dans leur production, ont fait voeux de silence en attendant qu’une société schizophrène se rende compte, finalement, qu’elle a réduit tous les espaces de créativité et d’expression à un seul espace, aussi dérisoire que bruyant, aussi paranoïaque que miné par une crise profonde : l’espace médiatique.
Quand un individu estime, à tort ou à raison, porter un projet de changement de la société, il commence d’abord par s’attacher les services d’un lobby médiatique. C’est une démarche, à la limite, légitime mais elle devient rapidement grotesque quand le projet en soi est inexistant, hasardeux, faible conceptuellement, vide ou simplement nihiliste. Cette démarche saugrenue et loufoque est devenue la règle. Elle s’épuisera d’elle même car ses ressorts sont fragiles.
Maintenant, il est clair que si les intellectuels continuent à se taire, les impostures continueront à prospérer. La politique continuera à être travestie. Les vrais débats occultés. L’Histoire revisitée par des amateurs. Et, finalement, un pays abandonné à une parole improbable, à un verbe douteux et à une rhétorique malsaine.
Nous refusons de croire à cette fatalité. Mais en même temps nous craignons le pire. Quand la culture de la haine devient la norme, quand la marginalité la plus folklorique devient la référence et quand l’esbroufe est assimilée à l’intelligence des choses et des situations, c’est la vigilance qu’il faut appeler.
On veut bien croire que toutes les transitions produisent des phénomènes de cette nature. Mais ce qui semble provisoirement inquiétant chez nous, c’est la nature-même de ces phénomènes. Leur appréciation relève strictement du domaine du fantastique. C’est ça qui est formidable.

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