Editorial

Merci, Youssoufi

© D.R

Malgré tout ce que l’on peut penser de Abderrahmane Youssoufi, sa décision de quitter la vie politique marocaine, et de fait la direction de l’USFP, ne manque pas de panache. C’est le geste d’un homme politique de valeur, conscient du devoir accompli et convaincu d’avoir mené jusqu’au bout la mission historique qu’un destin dense et parfois tumultueux lui a imposée. En opposant exilé, et condamné à mort plusieurs fois, il a été jusqu’au terme de la logique que ce type d’engagement suppose. Un opposant dur, radical et sans concession pour l’adversaire. C’était la règle du jeu à l’époque. Seul le temps et l’évolution du pays ont pu mettre une bonne dose de tempérance dans cette démarche. En dirigeant de l’USFP, il a su, malgré tous les aléas, imposer à son parti une culture de gouvernement et une ligne socio-démocrate au nom des intérêts suprêmes de la nation. Il a assumé jusqu’à la fin le « coût » de cette modernisation du parti qui ne s’est pas faite sans douleur ni dégâts. Reste que Youssoufi a sorti l’USFP du ghetto oppositionnel. En homme d’État, Premier ministre de la première alternance – consensuelle ou pas – en 40 ans, Abderrahmane Youssoufi a fait preuve d’un sens appréciable des responsabilités, d’une loyauté totale à l’égard de nos institutions et d’une fidélité rare, constante et indéfectible à la monarchie. Il a assumé cet engagement, produit d’une histoire personnelle peu commune, contre toutes les attaques perfides, les procès en sorcellerie et les coups bas. Que les coups les plus durs pendant la primature Youssoufi soient venus des siens ou de ses alliés proches est une donne douloureuse avec laquelle il a su composer courageusement mais non, parfois, sans amertume et chagrin. Abderrahmane Youssoufi a fait du mieux qu’il a pu. L’histoire, si elle est clémente, saura lui reconnaître son oeuvre. Avec ses ombres et ses lumières. Son panache et ses calculs. Ses engagements et ses renoncements. Il a occupé un poste-clé à un moment où notre pays avait à négocier des moments cruciaux de sa vie. Une succession monarchique. Une transition démocratique. Une mutation sur le plan des droits de l’Homme et de la liberté d’expression. Une mise à niveau économique sévère. Un big-bang politique dont son parti a été certainement la première victime. Et une société livrée à elle-même et totalement dépolitisée. Dans ce contexte précis, rares sont ceux qui peuvent honnêtement nier le fait que Abderrahmane Youssoufi ne se soit pas acquitté correctement de son devoir. Les faits les plus marquants resteront sans doute la connivence intellectuelle et la complicité visionnaire qui ont marqué vers la fin deux parcours exceptionnels, celui de Feu Hassan II et celui de son ancien opposant. Sous le sceau du patriotisme, une relation absolument loyale a pu voir le jour. Elle a permis au pays de jeter les jalons d’un futur politique possible pour le bien de la nation. Cette alchimie-là quand elle a lieu, chez nous, donne un sens profond à ce qu’on appelle – un joli héritage d’une langue de bois désormais obsolète – le génie marocain.

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