Editorial

Merde à l’Europe

Quelle différence il y a entre le «oui» de gauche et le «oui» de droite ? Entre le «non» de gauche et le «non» de droite ? Entre le «oui» et le «non» ? Ceux qui, comme moi, suivent cette affaire de référendum en France sur le traité constitutionnel européen, commencent à y voir un peu plus clair. C’est vrai, nous commençons à comprendre. Cela ne nous regarde pas, certes, mais, quand on est curieux par nature, pourquoi bouder son plaisir ? De quoi s’agit-il ? De peu de chose, vous allez le constater assez vite.
Pour doter l’Europe d’une Constitution, elle qui a déjà une monnaie unique et une banque, disons, fédérale, ils ont pris tous les traités qui existent déjà et qui sont appliqués et ils les ont foutus dans le livre III de la Constitution. Ils ont mis un peu de social, qui n’existe nulle part ailleurs, dans le document, ils ont touillé et cela a donné un texte fondamental. Au moins ça de pris. L’Europe étant déjà très libérale, le projet y met un peu de social inspiré notamment par la France. Voilà. L’affaire tient en quatre lignes. Alors, pourquoi ce psychodrame français ?
Là aussi, c’est simple. On peut comprendre, on a le recul salvateur. Dès que les Français entendent parler de référendum, ils y voient une occasion de virer leur président. Une sorte de tradition «gaullienne». Cela n’a rien à avoir avec l’Europe, surtout que, dans le cas qui nous intéresse, cela fait dix ans que Chirac est à l’Elysée. Là vous avez, par exemple, un «non» de gauche sauf que le principal parti de gauche, le PS, dit «oui». La droite, elle-même famille naturelle de Chirac, devrait dire «oui». Pas de chance : une bonne partie dit «non». Après, vous avez le «non», parce que le gars est Européen convaincu et le texte est insuffisant. Vous avez aussi le «non» tout court, parce que l’Europe, ce n’est pas la France, bordel. Le «non», parce que le texte n’est pas assez social, ou il n’est pas assez libéral. Le «oui» pour le peu de social qu’il y a et le «oui» pour la consolidation d’une Europe, aujourd’hui, constitutionnellement libérale.
Avec des noms, cela donne Jospin, un revenant permanent,  qui soutient Chirac, un usé, lequel converge avec Hollande, un nain de jardin, qui stigmatise Fabius, un socialo-urgentiste, lequel Fabius un socialo-jaurèsien, se trouve dans le camp de Pasqua, un repris de justice libéral de droite, sous le sourire de Le Pen, un humaniste extrême, qui lorgne vers Emmanuelli, un repris de justice collectiviste et étatiste, lui-même fasciné par De Villiers, un comique troupier, qui éructe en pensant à la Turquie et à Chevènement, un souverainiste miraculé, qui fait la cour à Besancenot, un postier gauchiste réactionnaire, sous le regard de José Bové, un barde de la nouvelle langue de bois de pipe. Et, dans tout cela, Sarkozy, un anti-chiraquien primaire et busho-berlusconien, se marre devant un Raffarin, un employé de maison exploité, qui ne trouve pas ça drôle. Je vous le dis : la situation est claire. Je suis persuadé que vous avez tout compris. Moralité de l’histoire, ne demandez jamais à un Français de dire «oui» ou «non» à un truc. Sa propension naturelle est de dire «merde». Et, là, on y est, jusqu’au cou, mais qu’est-ce que c’est drôle ! 

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