La lecture de la correspondance entre Ghita El Khayat et Abdelkébir El Khatibi est une véritable épreuve d’humanité. Quatre ans d’échanges épistolaires, entre 1995 et 1999, ont, à mon sens, fait, à peu près, le tour des sentiments que peuvent éprouver des humains quand ils sont dans la grâce de l’authenticité et quand ils ne transigent pas avec leur irréductible intégrité. Ils ont commencé à batifoler, gravement et joliment, autour d’une idée généreuse, l’aimance. La mise en bouche de ce concept courtois et raffiné a donné lieu à une démonstration de forces sémantiques – comme des manœuvres en haute mer – qui ressemblait fort à une parade amoureuse. Mais ils n’eurent pas le temps de déployer totalement ce dispositif. La mort a fait une intrusion brutale dans cet échange qui n’avait pas prévu celle-ci comme horizon. La vie, comme toujours, a fini par reprendre le dessus en révélant des caractères d’exception. Abdelkébir El Khatibi un écrivain accompli immunisé contre toutes les adversités par son intimité avec le langage. Ghita El Khayat, médecin, psychiatre, écrivain, découvre la vraie vie sur le chemin d’une aimance suppliciée en rupture avec les mots de son quotidien professionnel. Une vie que les mots seuls ne peuvent entièrement reconstruire. (Correspondance Ouverte. Ed. Marsam, 60 DH).