Abdelali Benamor, sur les colonnes de ALM, inaugurant une série d’interviews en marge de la Fête du Trône, a fait un lien pertinent entre l’état de la justice marocaine et les conditions de l’émergence économique. Autant aujourd’hui les grands chantiers avancent d’une manière souvent impressionnante, autant le naufrage de la justice continue. Ces dernières semaines, j’ai eu à vérifier «violemment» ces deux faces de la même réalité. Première face : La visite de Tanger Med — pour la première fois — est une expérience à couper le souffle. Au-delà de la fierté légitime que l’on ressent face à ces douze travaux d’Hercule, on se dit que le Maroc qui réalise cela est un Maroc qui peut tout faire dans la voie du développement durable. L’enthousiasme n’est, certes, pas la meilleure qualité du journaliste. Mais il arrive que le scepticisme soit vite balayé par des faits incontournables. Deuxième face de cette même réalité : Pour une énième audience — près de 10, en un an — au tribunal à Casablanca, pour toujours la même affaire, j’expérimente personnellement, avec patience, — et c’est ma responsabilité —, la marche au quotidien de la justice marocaine. Il y a de quoi écrire un livre. Au fait ça ne marche pas. Mais pas du tout. Il y a quelque chose qui est cassé, et que personne n’arrive à recoller. Une pitié. Le cadre, la mécanique, les procédures, le personnel, les défendeurs, les demandeurs, les avocats, les affaires, les sujets. Tout respire le sous-développement, l’indigence, la pauvreté… On ne parle même pas de l’indépendance de cette justice : les conditions élémentaires de son avènement sont inexistantes. Résultat : Le Maroc qui fait Tanger Med s’accommode d’une justice qui tourne le dos à la modernité. Deux faces d’une même réalité… mais que ne nous sommes pas obligés d’accepter.