Un lecteur averti — il en vaut naturellement deux — a attiré, un jour, mon attention sur le fait que les Marocains vivent dans le déni de la crise qui frappe le monde. Oui elle existe, mais elle ne les concerne pas. Oui elle est là, mais elle impacte — un nouveau verbe qui fait expert — peu leur vie. Oui, finalement, elle est forte mais sans incidences sur notre économie déconnectée, sur nos échanges exsangues, et notre productivité symbolique. Nous sommes tellement rien dans ce vaste monde interdépendant que peu nous chaut – un vieux verbe qui fait savant. Revenons au déni qui est selon le Robert un «refus de reconnaître une réalité dont la perception est traumatisante pour le sujet.» Nous sommes le produit de cette culture, celle qui a fait du slogan «pas de problème» (makaïne mouchkil en dialectal) un trait de civilisation. Il est normal, par conséquent, que face à une crise de cette ampleur que ce trait distinctif de notre génie apparaisse en force. La crise ? Quelle crise ? Pas de problème. Le déni devient un levier fort, un ressort psychologique puissant, pour dépasser la crise en niant tout simplement son existence. Et même, pour en finir avec ce sujet, tout ce qui peut nous arriver de mal — ou de bien — est le ressort de Dieu. Une crise est une épreuve divine qui ne peut que renforcer la foi. Comme cela, c’est réglé.









