Editorial

Premières leçons.

© D.R

Les leçons qui peuvent être tirées des résultas des élections communales du 12 septembre 2003 sont multiples. Mais on peut d’ores et déjà les classer en deux catégories. Il y a les leçons qui nous informent sur l’évolution de la démocratie dans notre pays, notamment à travers son processus électoral. Et il y a les leçons qui ont un rapport avec les mutations de la carte politique nationale. Pour ce qui concerne la première catégorie, nous pouvons constater que ce qui a été appelé la tiédeur de la campagne électorale est en fait le produit de l’encadrement de celle-ci par la loi. Les marges de manoeuvre existantes par le passé qui permettaient tous les dépassements et créaient une surchauffe, parfois dangereuse et criminelle, de l’opinion publique ont disparu. On s’est retrouvé rapidement face à une banalisation de l’acte électoral qui a finalement et heureusement perdu une bonne part de sa dramaturgie. D’autre part, le comportement global de l’administration lors de ces élections a été marqué par une neutralité exemplaire. Une neutralité active car elle veillait scrupuleusement au respect de la loi. Toutes les infractions qui ont été relevées ont rapidement trouvé une issue légale et ont suivi leur cours normal. Plus généralement à l’occasion de ces élections, le ministère de l’Intérieur semble avoir trouvé la bonne respiration pour gérer le scrutin et ses équipes ont fait montre d’un savoir-faire et d’une expertise indiscutables malgré la complexité du scrutin et le nombre extraordinaire de candidatures et de circonscriptions. Incontestablement, une nouvelle culture dans la gestion électorale est née au sein du ministère de l’Intérieur. Cela constitue un acquis considérable pour le pays. Cependant, la faiblesse du taux de participation reste un voile jeté sur ces élections. Même si ce phénomène frappe actuellement toutes les démocraties dans le monde, le Maroc devra faire un effort supplémentaire pour juguler cette dérive. Toutefois, trois remarques s’imposent. L’administration n’a pas fait voter les électeurs de force. Elle n’a pas non plus corrigé le taux d’abstention comme par le passé. Cela est une bonne chose. Par ailleurs, au-delà des campagnes de communication lancées par le ministère de l’Intérieur, la télévision marocaine a montré qu’elle était incapable de mobiliser les électeurs avec des programmes électoraux de qualité avant ou après le scrutin. Il faut rapprocher le faible taux de participation à la médiocrité de la campagne sur les écrans de télévision. Le Maroc ne pourra pas construire une démocratie à l’instar de ce qui se passe dans le monde sans un mass média comme la télévision. Aujourd’hui, cela constitue un handicap majeur dans la transition démocratique que nous vivons. Sur le plan politique, nous héritons d’une carte balkanisée. Mais elle correspond de plus en plus à notre réalité sociologique et politique. Avec la fin de la création de structures partisanes nouvelles et la multiplication de scrutins transparents, nous arriverons à terme à un corps qui viendra remplir l’ossature actuelle. Il est incontestable que l’Istiqlal a bien géré ces élections. Sa première place en voix et en sièges est prééminente. Sa capacité à faire oublier ses travers, ou ceux de ses responsables, est étonnante. Cela est certainement dû à son enracinement local profond de nature souvent clientéliste et à la vigueur de son administration territoriale. Pour ce scrutin précisément, le gentleman agreement passé discrètement avec le PJD dans certaines circonscriptions où celui-ci était absent a permis à l’Istiqlal de s’offrir une place de leader consolidée par l’appui des islamistes. L’USFP, quant à lui, n’a pas à rougir de sa deuxième place. En termes de voix, il progresse par rapport aux dernières législatives. Son résultat est à rapprocher de ses difficultés internes à la suite d’un congrès raté, d’un divorce avec la jeunesse Ittihadie et la scission du CNI. C’est beaucoup trop en si peu de temps. Si l’on ajoute à cela la démarche suicidaire de certains militants de ne pas soutenir les candidats officiels du parti dans certains arrondissements, la boucle est bouclée. Dans ce contexte, la prestation de Khalid Alioua à Casablanca est une grande performance. Les trois élus qui lui manquaient pour passer en tête à Casablanca auraient dû venir, soit de Sidi Moumen où l’USFP compte un député, soit de Ben M’Sick un quartier populaire par définition. Malgré sa troisième place, le RNI est un grand perdant de ces élections. Son caractère de parti de notables et d’hommes d’affaires aurait pu s’exprimer avec plus de potentiel lors de ce scrutin. Il n’en a rien été. La faiblesse de la direction, le chantage des barons, le caprice de stars « ministrabilisées » et des investitures hasardeuses ont signé le déclin de ce parti dans plusieurs régions. Le cas le plus flagrant est celui de Marrakech où le RNI est laminé. La mouvance populaire, dans toutes ses déclinaisons, confirme, quant à elle, sa vigueur. Elle totalise 23,38% des voix exprimées, ce qui fait d’elle et de loin le premier parti politique du Maroc. Cette performance électorale, si elle n’est pas suivie d’un sérieux travail politique de restructuration de la mouvance, restera sans lendemain. Pour peser utilement sur le cours de la vie politique marocaine la mouvance doit repenser sa stratégie. Mais la plus belle surprise de ces élections est sans conteste le score réalisé par le PPS. Un score honorable dont les militants du parti de Ali Yata doivent être fiers. Le petit parti est en train de devenir grand. Avec 5,29% des voix exprimées, il fait mieux que l’UC ou le PND. C’est un fait remarquable. L’UC, quant à elle, un parti en convalescence a eu un score respectable compte tenu de la difficile transition interne qu’elle vit. Que ce soit à Casablanca avec Mohamed Sajid ou à Marrakech avec Sidi Omar Jazouli, l’UC a montré qu’à chaque fois qu’elle avait un leader local charismatique, elle pouvait conserver ou récupérer ses parts de marché. Pour ce qui concerne les nouveaux partis, il y a lieu de noter deux faits majeurs : la disparition prématurée des Forces citoyennes de Abderrahim Lahjouji avec 48 528 voix (0,44%) et le travail de fond qui donnera certainement ses fruits à l’avenir, commencé par ADL sous la houlette de Ali Belhaj avec ses 135 127 voix (1,89%). Maintenant, sur le plan national, si l’on doit diviser le champ politique en pôles, on constate que la gauche socialiste totalise 27,66% des voix. La droite libérale 23,89% des voix. Les conservateurs à savoir le PJD et l’Istiqlal 20,16% des voix. Et, finalement, la mouvance populaire avec 23,38% de voix exprimées. L’on voit bien que les choses commencent à se clarifier pourvu que chacun puisse assumer ses responsabilités.

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