Le Maroc est en train de vivre une expérience unique. Rare, dans le concert des nations. Essayer, sur le plan politique, de faire vivre une démocratie sans opposition. C’est stupéfiant et ça force le respect. Mais là où ça se corse, et ça devient une performance universelle, c’est que nous nous passons également de majorité claire dans le sens politique, idéologique ou sociologique. C’est fort, avancer sans beaucoup d’opposition et avec peu de majorité. Au final, le pays devrait être, théoriquement, peu gouverné. Et bien, même si ce n’est pas un scoop pour vous, nous sommes, effectivement, peu gouvernés. Mais je vous arrête tout de suite : avec ce système le nombre d’erreurs est très faible. Cela s’appelle un avantage comparatif par rapport à des pays trop gouvernés, qui ont par conséquent, la perfection n’appartenant qu’à Dieu, un nombre important d’erreurs.
Voilà ce nous avons inventé en ce début de siècle. Un système avec une entropie telle que la seule énergie qu’il dépense, c’est celle qui est nécessaire pour sa propre survie. C’est une allocation des ressources parfaite, mais uniquement tournée vers cet objectif à savoir conforter l’auto-entretien. La meilleure preuve du génie est, semble-t-il, de durer. Durer, oui, mais pour quoi faire ? Question hors de propos, généralement, posée par un néophyte qui ignore la force énorme que nécessite la stagnation, l’inaction ou l’attentisme. Nous avons tous appris un jour que l’action engendre sa propre énergie, notamment celle qui lui permet de perdurer. Mais la stagnation, elle, mobilise une énergie qui n’est pas renouvelable à moins, bien entendu, et c’est exclu pour le moment, compte tenu de l’état de notre budget, d’installer sur la tête de chaque ministre du gouvernement actuel un panneau solaire. Mais ne nous égarons pas, revenons à nos pensées.
La situation politique est la suivante. L’Istiqlal fait de l’opposition à l’USFP au sein du gouvernement. L’USFP fait la même chose. Les deux veulent durer aux affaires. Il durent. Le RNI ne fait rien ou si peu. Il trouve que c’est très dur justement de durer. Le MP, qui croit dur comme fer que son heure a sonné, fait, lui, un tour de table. Le Premier ministre qui trouve que les temps dont durs fait, lui, ce qu’il peut. Mais avec une équipe pareille le peu est une ambition collective louable. Donc, la majorité existe. On constate son existence uniquement aux efforts qu’elle fait pour rester en place. C’est déjà ça de pris.
Dans l’opposition, il y a deux éléments majeurs. Zakaria Semlali d’un côté et le PJD de l’autre. L’un ne voit pas pourquoi son parti, l’UC, un parti libéral, est exclu des affaires gérées, justement, par des libéraux défroqués. Et l’autre, le PJD, lui, ne veut rien. Il s’éclate dans l’opposition en attendant l’Heure. Au rythme où vont les choses, ce parti hédoniste risque de se retrouver plus du côté de l’Association interprofessionnelle des artificiers de la Foi que de la Fédération de la chimie de la CGEM. On voit bien que les termes du débat sont explosifs. Alors que faire ? Justement, rien. Et c’est ce qu’on fait très bien pour l’instant.