Editorial

Sous le soleil de Tindouf exactement

© D.R

La visite de Mohamed Benaïssa en Algérie était une réussite. On a vu une belle photo de notre ministre des Affaires étrangères marchant la main dans la main avec le Président Abdelaziz Bouteflika. Ils ont l’air tous les deux d’être ravis. Par quoi ? On n’en sait strictement rien. Mais ravis, quand même.
Ils ont discuté d’un probable sommet maghrébin à Alger au lieu de Tripoli. Les Marocains veulent bien Alger, mais les Tunisiens et les Libyens veulent eux, par contre, que ce sommet ait lieu chez Kadhafi. On est bien avancé. Un sommet pourquoi faire ? Le Maroc ne voulant pas de ce type de rencontre tant que les Algériens n’ont pas décidé de fermer leur parenthèse sahraouie qui a valu à la région plus de 25 ans de retard. C’est comme ça. À part ça de quoi il s’agit ? Quel est l’ordre du jour ?
Depuis le 17 février 1989 à Marrakech, l’UMA est en panne. Une créature mort-née parce que l’Algérie veut infliger à la région un nouvel Etat, fabriqué de toutes pièces avec l’aide d’une poignée de mercenaires. Drôle d’union. Avant de s’unir on commence par multiplier les États factices. Une trouvaille du génie algérien que nous mettrons probablement un siècle à véritablement comprendre.
Mais le problème est pire encore. Comment peut-on se réunir, surtout à Algérie, alors que ce pays voisin maintient en détention chez lui, sous sa responsabilité, avec ses moyens militaires, des centaines de Marocains emprisonnés dans des conditions abominables. Le 17 janvier, nous avons reçu 115 prisonniers marocains dans un état lamentable, usés par une captivité sauvage. Il reste 1 305 prisonniers en Algérie, des vieux, des malades, et des hommes souffrant de mille maux et goûtant malgré eux à une aberrante hospitalité algérienne.
Cela devrait être un préalable à tout. Libérez les tous d’abord. En vérité, à chaque fois qu’un officiel marocain se rend en Algérie, il cautionne en fait un pays qui séquestre dans des conditions très dures et inhumaines un grand nombre de ses compatriotes. Son voyage dans ce cas d’espèce ne revêt plus aucune signification. Ni pour l’avenir. Ni pour l’Union. On ne peut pas construire un projet politique régional, ou du moins le discuter, si les obstacles humanitaires comme celui des prisonniers marocains détenus en Algérie ne sont pas immédiatement levés.
Baker et Kofi Annan l’admettent. Et militent pour. Le Maroc le clame avec constance. Et Alger fait la sourde oreille comme si cette dimension assez sordide de son comportement pouvait améliorer son poids spécifique dans la région, son prestige international perdu ou ses marges de manoeuvres érodées. Ce sont là de faux calculs qu’aucun Maghrébin authentique et de bonne foi ne peut accepter.
Les assassins de Mohamed Boudiaf ne peuvent en aucune manière être porteurs d’un idéal maghrébin. Ils ont tué Boudiaf pour effectivement tuer cet idéal. Les salamalecs algérois ne nous feront pas oublier cette réalité-là. Pendant les embrassades hypocrites, les réceptions de circonstance et les épanchements diplomatiques stériles, des Marocains cuisent sous le soleil de Tindouf. À en mourir à petit feu.

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