Sur quoi repose, aujourd’hui, dans notre pays le consensus national ? Quelle définition peut-on, encore, donner au Maroc à quelque chose qui s’appellerait l’intérêt national ? Et finalement, la démocratie marocaine est-elle devenue chez nous un facteur de fragilisation de l’État ?
Sur ces questions, aujourd’hui, nous avons peu de réponses convaincantes. On semble manquer de doctrine, de sens ou, du moins, de discours audible. Résultat, nous sommes ballottés au gré d’une actualité de plus en plus chaotique sans repère en «fabriquant» au fur et à mesure d’évènements dont le sens nous échappe, des positions et des postures bricolées qui même mises «généreusement» ensemble ne produisent plus de vision globale.
On brûle impunément le drapeau marocain. L’atteinte à l’intégrité territoriale du pays devient une opinion. Les criminels salafistes deviennent des innocents. Le Chef de l’État au-delà de tout respect dû est attaqué ad hominem. Le système monarchique clé de voûte de nos institutions constitutionnelles est insulté. Le chantage au patriotisme bat son plein. Et le nihilisme fait feu de tout bois pour casser le pays sous le regard admiratif d’une bourgeoisie suicidaire qui scie sciemment tous les jours la branche sur laquelle elle s’est construite. La minorité terrorise la majorité, dans le silence.
Sur quoi sommes-nous, encore, d’accord ? La monarchie ? Le Sahara ? La Constitution ? La démocratie qui est en train d’être pervertie ? La nation ? L’intérêt national ? La transition vers la démocratie au Maroc fait aujourd’hui objectivement le lit, si cela n’est pas encore fait, de valeurs «irresponsables» qui vont finir par balayer tous nos espoirs. Les conditions d’une régression généralisée sont aujourd’hui réunies pour donner corps au funeste «projet» de la convergence nihiliste.
La démocratie ne s’est jamais accommodée d’un État de droit à géométrie variable. Quand l’État de droit n’est plus appliqué, il n’y a plus d’État et il n’y a plus de droit. Quel est aujourd’hui l’objectif de cette entreprise de démolition nationale ? Casser le pays? Pourquoi faire ? Dissoudre l’État ? Est-ce réalisable ? Changer de régime ? Aucune alternative crédible n’existe. Créer de nouvelles rentes et de nouveaux monopoles? Le temps du chantage est révolu.
Pourtant, la seule issue raisonnable dans ce capharnaüm nihiliste est d’appliquer la loi. Et c’est là où le bât blesse. Compte tenu de la conjoncture difficile que traverse notre pays la règle de la tolérance zéro à l’égard de l’application de la loi doit être la règle. Or, cette règle n’est pas scrupuleusement respectée.
Le danger qui guette la jeune démocratie marocaine est le retour à la case départ. Un vrai gâchis. Car cela ne profitera à personne et surtout pas à nos adversaires les plus résolus. Cela tuera toutes les espérances. Si une réflexion responsable n’est pas, rapidement, engagée sur l’avenir de notre expérience démocratique, nous allons créer fatalement les conditions irréversibles de la mise en danger de ce pays. Miser sur une quelconque autorégulation pour sortir de l’ornière est un pari risqué qu’un pays comme le nôtre ne peut soutenir faute de moyens politiques et de maturité démocratique. Une forme de pause -dont il faudrait imaginer la forme- pour réfléchir, évaluer et re-projeter notre projet dans l’avenir est devenue incontournable.