Editorial

Tout ça pour ça !

© D.R

Saddam Hussein avait le choix entre mourir comme Adolf Hitler ou finir comme Mussolini. Il n’a choisi ni l’un ni l’autre. Le premier s’est suicidé dans une cave sordide. Et le deuxième avait été pendu devant une population chauffée à blanc. Saddam Hussein, lui, a préféré se rendre comme un vulgaire voleur de poules. Pourtant il avait avec lui dans son trou immonde deux kalaches et un revolver. On passe sur les dollars. Tout cela est peu glorieux et manque de panache pour quelqu’un qui a fait de l’honneur un fonds de commerce, du courage un tropisme naturel et de sa dignité une donnée fondamentale de ses démêlés guerriers notamment avec ses voisins. Saddam Hussein nous a laissé un legs dont les Arabes n’avaient strictement pas besoin : une humiliation supplémentaire. Du genre académique. Un homme aux yeux hagards, sale et hirsute se faisant tripoter par un médecin militaire américain tout content, probablement, d’examiner un patient de cette nature. Les Américains ont depuis longtemps cherché des poux à Saddam Hussein. Ils ont fini par le faire, réellement, devant des millions d’Arabes écoeurés par ce triste et dégoûtant spectacle. Tout ça, pour ça, Saddam Hussein ! La baudruche s’est dégonflée. Une fin pitoyable pour quelqu’un auquel des millions de déshérités et d’humiliés se sont accrochés pour leur malheur et dans leur malheur. Un dictateur qui est monté sur le piédestal du nationalisme arabe, de l’anti-impérialisme et de la bravoure combattante constituée de près de 1 million de victimes irakiennes sans compter scabreusement les victimes de guerres inutiles et vaines. La capture de Saddam Hussein par les Américains est pour eux une victoire politique voire psychologique. Elle ne règle pas pour autant les problèmes de l’Irak aujourd’hui. Elle ne règle pas non plus le statut de la présence militaire américaine dans ce pays. Le véritable enjeu est celui de la restauration rapide et sans délais de la souveraineté nationale irakienne dans une démarche s’appuyant sur la légalité internationale. Or, sur ce point précis, la doctrine américaine est faible quand elle n’est pas velléitaire. Le problème de l’Irak et des Irakiens n’est plus Saddam Hussein. Le vrai problème réside dans le recouvrement d’une dignité spoliée par un dictateur que les « libérateurs » d’aujourd’hui ont si longtemps soutenu, armé, utilisé et gonflé à bloc. Les images américaines de Saddam Hussein vont fabriquer combien de terroristes ? Combien de kamikazes ? Combien de fous ? On n’en sait rien. Mais ceux qui ont pris la responsabilité de le laisser en vie, de le présenter comme un animal de cirque ou comme une bête dans un marché de bestiaux assumeront un jour l’effet boomerang dans l’opinion publique arabe de cette avilissement inutile. L’humiliation ne produit jamais de « conscience ». Elle sécrète seulement la haine et la colère.

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