Editorial

Un sacré bonhomme

Le problème de la télé est simple. Quand elle s’intéresse à nous, on s’intéresse à elle. Aucune télé au monde ne peut concurrencer la télé marocaine quand elle parle de nos affaires, les vraies, les nôtres, avec sérieux, professionnalisme, et justesse. Le tsunami des chaînes satellitaires ne pourra jamais rien contre cette réalité basique. Alors, pas de crainte pour l’avenir, qu’il soit libéral, mondialisé ou globalisé. Le sésame, c’est la proximité, et, en matière de télé, c’est plus qu’un sésame de l’audience, c’est une véritable baguette magique.
Au hasard d’un zapping sur plus de mille chaînes que me permet mon offre illégale made in Joutia, je tombe raide  sur la TVM. Mustapha Alaoui officie. Cette fois-ci, il ne brode pas à l’infini sur un cortège royal à coup de rhétorique éculée et médiévale –même ce genre télévisuel peut être rénové et modernisé –  mais il fait salon. En général, il le fait bien quand il ne se compromet pas avec un invité dont la présence est uniquement justifiée par la paresse intellectuelle ou une affectueuse attention. Mais, cette fois-ci, la pioche était bonne. Voire excellente.
A l’écran, un inconnu du plus grand nombre, dont moi-même. Un homme massif, sans être lourd. Éloquent, sans démagogie apparente. Et sincère, sans que cela ne soit, manifestement, une technique de communication. Ce monsieur se présente comme le président de l’Union des écrivains du Maroc. Une appellation de prime abord assez stalinienne et dont l’organisation, selon ma connaissance ressemble à celle d’un parti politique africain quand celui-ci choisit le communisme comme moteur de l’histoire. On sait tous que le communisme n’a jamais pu, réellement, s’acclimater dans notre continent, probablement pour des raisons de température. Mais, passons…
L’homme, Abdelhamid Akkar, fait des phrases avec des mots. Ces phrases donnent rapidement naissance à des idées. On sent vite que ces idées sont soutenues par des convictions. Le tout devient un discours audible et tonique, qui produit des valeurs. Le tout peut se discuter, mais la construction étant assez solide, comme le bonhomme lui-même, ne permet la contradiction qu’à un interlocuteur qualifié intellectuellement et moralement. Et c’est assez rare par les temps qui courent.  
Abdelhamid Akkar -lire dans ce même numéro d’ALM l’excellent papier que lui consacre le non moins excellent Ali Tizilkad –  affiche ses principes. Il les énonce. Il les présente. Il les justifie. Et finalement, les rend recevables par le spectateur «hasardeux» comme moi. Le maître de cérémonie jouit. On voit que Mustapha Alaoui est entré en grâce, grâce, justement, à ce sourire discret et jubilatoire, qu’il a au coin des lèvres qu’il doit certainement arborer quand le plaisir est plus charnel.
Que se passe-t-il ? On se met, tout à coup, à faire de la télévision sans prévenir personne? Bizarre, comme sentiment. Différence, pluralisme, responsabilité, débat, souci des autres, création, créativité, identité… Abdelhamid Akkar émaille ses propos de ces mots qui sont, en fait, dans son esprit, des concepts et nous tricote le portrait-robot d’un intellectuel marocain avec lequel on a vraiment envie de dîner un soir.  Aucun risque d’intoxication ne peut être couru, car ni le misérabilisme, ni la gravité inutile, ni le nihilisme sournois, ni la fatuité mondaine ne seront au menu.  Un bon repas, en quelque sorte.
À la fin de l’émission, je me suis couché sans attendre. A quoi cela m’aurait-il servi de zapper encore et encore ?  Les cours de maths en italien, la millième redif de Cousteau, le talk-show albanais, l’inépuisable documentaire sur les reptiles, la sitcom polonaise, le docu-réalité portugais sur les morues, les litanies d’un frère musulman déguisé en diable, les clips siliconés de Rotana…ça suffit. J’en ai eu ma dose. Et demain, que nous présenteront-ils à la télé ? Je n’en sais rien, demain est un autre jour.

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