«Cette année, comme l’année dernière, lors de notre rencontre, nous nous présentons à vous forts d’un nouveau partenariat avec le leader mondial du conseil en ressources humaines Willis Towers Watson pour vous présenter les tendances de rémunération de 2018 et les projections 2019».
C’est en ces termes que Hamid Othmani, président de LMS Organisation Ressources Humaines (LMS ORH), a ouvert la conférence annuelle qui vise à éclairer les différents acteurs du domaine sur des paramètres à prendre en compte dans l’élaboration des stratégies de ressources humaines. Les enjeux sont réels dans un univers où la digitalisation chamboule les repères et sollicite l’intelligence artificielle comme ressources complémentaires. «Le besoin de nos clients évolue et la recherche de la comparabilité internationale et la simplicité méthodologique sont devenues des impératifs», poursuit à juste titre l’expert qui s’est positionné depuis 35 ans déjà dans les études de marché et sur la gestion des ressources humaines. Les managers devront adopter, de ce fait, des méthodologies innovantes pour faire face à de nouvelles problématiques RH intégrant bien entendu la rémunération, la classification mais aussi la gestion des talents et les Assessments (évaluation des compétences).
Les résultats de l’enquête retenant un échantillon de 200 entreprises dans un espace temporel de trois ans ont démontré que les salaires devraient augmenter de 4,4%, ce qui revient à 2,6%, déduction faite du taux d’inflation estimé à 1,8%. Ces prévisions ont été calculées sur la base d’un taux de croissance pressenti de 3% pour l’année 2019. Ceci dit, ce chiffre a été reconsidéré à la baisse, en l’occurrence à 2,9%, dernièrement, par le Haut-Commissariat au Plan (HCP). Il en ressort également que 82% des entreprises interviewées offrent un abonnement et un équipement téléphonique et 19% des prêts à leurs salariés. 78% de l’échantillon ont des plans d’acquisition de voitures pour leurs collaborateurs, parfois à travers des systèmes de leasing, parfois sous forme d’indemnités, parfois les deux. Cette pratique est plus généralisée pour les fonctions commerciales par rapport aux autres catégories. Quant aux raisons pour lesquelles les salariés resteront fidèles à leur entreprise, ce sont la planification de carrières (78%) et la flexibilité des heures de travail (46%) qui reviennent comme les raisons les plus importantes chez les personnes interviewées.
Le pilotage de la masse salariale représente aussi un enjeu primordial dans la politique des ressources humaines d’une entreprise. Deux points importants ont été mis en évidence à l’issue de l’enquête diligentée par les deux opérateurs. Le manque de différenciation sur la base de performance dans la distribution de la rémunération variable a été constaté. Le marché marocain laisse également entrevoir lors de l’enquête la faiblesse de la part variable dans la rémunération globale. Pour Omar Benaini, expert à LMS ORH et qui a eu à décrypter le rôle du variable dans la rémunération lors de la conférence annuelle, «l’indexation de cette grandeur sur le fixe crée davantage de pression sur le fixe et accentue les éventuels cas d’iniquité existants». Le marché marocain fait également état d’une faible corrélation entre performance et rémunération variable. Ce dernier étant considéré très souvent comme un complément de salaire et ne joue plus son rôle de levier de performance.
L’état des lieux est problématique surtout que le contexte est marqué par une pression de plus en plus importante sur l’optimisation de la maîtrise de la masse salariale. Cerise sur le gâteau, l’arrivée en force des nouvelles générations bardées de diplômes de grandes écoles entretient de réelles pressions et creuse les différences de salaire avec les anciens qui demeurent indispensables à travers leur expérience professionnelle et leur maturité. C’est donc tous ces paramètres que devront mettre dans la balance les directeurs des ressources humaines pour construire une politique de rémunération claire tenant compte des nouvelles données environnementales basées sur la digitalisation des processus. Son impact sur les fonctions de l’entreprise est réel. Les explications de Achraf Dahbi, directeur activité ORH, sont édifiantes à plus d’un titre (voir encadré). L’agilité des managers représentant la clé de réussite pour l’entreprise.
Les prochaines enquêtes déjà planifiées chez le Groupe LMS permettront de démontrer si les chefs d’entreprises ont bien tenu compte des recommandations livrées par les experts. L’accompagnement des équipes est nécessaire aussi à ce niveau. A suivre…
[box type= »custom » bg= »#7a142f » radius= »5″]Avis de l’expert : Achraf Dahbi, directeur activité ORH
La monnaie de demain sera la compétence
«65% des enfants qui vont à l’école primaire aujourd’hui vont occuper dans le futur des postes qui n’existent pas encore. Cela veut dire que nous n’avons qu’une idée très vague de la consistance des métiers de demain. Ça veut dire aussi que cette révolution est là et qu’elle arrive en moins de 15 ans. Et sans tomber dans les slogans creux et les prophéties futuristes, nous pouvons affirmer avec confiance que notre travail tel que nous le pratiquons aujourd’hui sera déjà bien différent dans 5 ans. Entre mutation digitale et ancrage de l’intelligence artificielle dans les process de l’entreprise. Ceci lui imposera indéniablement de revoir ces modèles organisationnels. Nous passerons d’un environnement comportant des employés au travail à un environnement regroupant le travail, le talent et l’intelligence artificielle. La fonction RH devra s’adapter rapidement et faire évoluer son rôle pour continuer à produire de la valeur ajoutée.
Elle va devoir sortir de la logique de poste tel qu’on le connaît actuellement à une logique de compétences («skillset»). Un poste donné pourrait être décomposé en plusieurs tâches réalisées par plusieurs personnes en fonction de leurs domaines d’expertises et sans qu’ils soient physiquement réunis ou qu’ils appartiennent à la même organisation. La monnaie de demain sera la compétence. L’apprentissage permanent sera à la fois un besoin pour les collaborateurs mais également une réalité pour l’entreprise qui doit rivaliser d’ingéniosité pour offrir des expériences de carrière valorisantes tout en maintenant ses équilibres économiques. Les politiques de rémunérations devront également évoluer pour être dans l’individualisation et la flexibilité. L’entreprise ne paiera plus un rôle mais paiera le travail et la tâche réalisés. Dans le même sens, les packages de rémunérations devront être proposés à la carte pour répondre aux besoins précis des collaborateurs. Les périphériques de la rémunération et le bien-être au travail seront déterminants dans l’attraction et la fidélisation des talents. Nous parlons actuellement de l’agilité des organisations, bientôt nous parlerons de l’agilité de la fonction RH. Il sera question d’envisager la relation employé/employeur comme une relation client/fournisseurs. Ceci modifiera fondamentalement la nature de l’expérience offerte au collaborateur, qui devrait être gratifiante et totale.»
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