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Anas El Filali : «Il faut mettre en valeur nos chercheurs et créer des vocations»

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Entretien avec Anas El Filali, CEO Lorem et expert en stratégies numériques

Augmenter son capital de connaissances est ce qui permet à toute organisation d’avancer. Il est donc plus que jamais indispensable de miser sur la recherche et développement (R&D) dans des secteurs comme celui des IT pour percer en termes de compétitivité. Pour y voir plus clair, Anas El Filali, CEO de Lorem, entreprise spécialisée dans les nouvelles technologies et des nouvelles techniques de production de contenu numérique, nous donne son éclairage sur le sujet. 

ALM : Les IT sont un grand pourvoyeur d’emploi. Quels sont selon vous les métiers qui seront incontournables dans ce secteur ?

Anas El Filali : Pour cela, il faut contextualiser. Par exemple, les ingénieurs en «machine-learning» sont et seront très demandés dans plusieurs pays. Mais au Maroc, ceux qui auront développé cette expertise trouveront difficilement un emploi. Les ingénieurs data auront le vent en poupe, mais hors Maroc. Pour la simple raison que nous n’avons pas accès à la matière première, à savoir la data. Mais imaginez que l’Etat décide à travers une loi que les opérateurs télécoms aient droit d’exploiter la data de leurs usagers… Là, c’est un nouveau marché qui s’ouvre et les ingénieurs data seront très sollicités par les employeurs. Les ingénieurs cloud auront un bon avenir puisque le Maroc se dirige vers l’obligation de garder les données stratégiques au niveau des data centers locaux. Il y a aussi les métiers liés à la robotisation industrielle : vu les avancées rapides en matière d’industries (automotive ou aéronautique). Je citerais aussi les développeurs des web application ou Web Stack et Mobile dev (je ne parle pas de développer des sites web classiques qui auront encore une place au soleil, mais bien des services beaucoup plus complexes). Si on parle des IT associées à d’autres métiers en expertise au Maroc, vous trouverez rarement un ingénieur IT spécialisé en IT médical, logistique ou autre… ces profils très spécialisés sont rares. D’ailleurs, l’hyper expertise est l’une des solutions pour préserver son emploi le plus longtemps possible devant l’avènement de l’automatisation.

Qu’est-ce qui manque au Maroc pour qu’il soit plus performant en matière de R&D dans ce secteur ?

Il faut protéger l’investissement en R&D. Qu’est-ce qui poussera un industriel à faire de la R&D si demain son entreprise n’a pas de marché, ou si son produit amélioré est vite éliminé des appels d’offres par exemple car le produit est plus cher que le produit Turque/Chine/… De plus, il faut encourager la R&D, non pas par de la subvention directe (créatrice de passe-droits) mais indirecte par de la défiscalisation de la R&D et surtout s’assurer que la libre concurrence règne sur le marché. On notera également que les banques/opérateurs télécoms en concurrence devront absolument innover pour se démarquer… Autre point : l’Etat est là pour faire de la recherche fondamentale et c’est là qu’elle doit investir et personne ne pourrait le faire sans son aide. Par ailleurs, l’Etat ne saurait faire et ne pourrait se substituer au privé, plus efficace, agile et qui vit sous la contrainte de l’efficacité. La R&D pour le privé est synonyme de «évoluer ou périr». L’Etat par contre pourrait réunir les bonnes personnes autour d’une même table, c’est ce qu’on a vu actuellement avec les lits d’hôpitaux automatisés 100% marocains ou les machines respiratoires…
Sur un autre plan, il est nécessaire qu’un un shift culturel s’opère dès le plus jeune âge : essayer et échouer, c’est un moyen pour mieux faire demain. Ce qui est fatal, c’est de ne rien essayer. Remettre en question les schémas préétablis, c’est aussi cela innover. Il faut croire en nous et notre avenir commun. L’avenir commun est ce qui permet à un chercheur de rester au pays tout simplement. Je dirais aussi qu’il est important de mettre en valeur nos chercheurs et créer des vocations…

Quels sont les enseignements ou les «skills» qui devront être inclus dans les programmes des écoles et des universités marocaines pour que nos jeunes soient plus adaptés aux besoins du marché de l’emploi ?

Cela peut tenir en une phrase : leur apprendre à apprendre par eux-mêmes… en groupe. Il n’est plus nécessaire (il est même inutile) de donner l’information puisqu’elle existe un peu partout sur Internet. Par contre, il vaudrait mieux leur apprendre à comment chercher la bonne information… et innover. Pour y parvenir, il faut oublier complètement l’ancien modèle de l’enseignant qui donne l’information et l’étudiant qui ne va faire que restituer cette information sur une feuille d’examen. Commencer dès le plus jeune âge le travail en équipe est primordial. Il faut introduire le creative thinking, la résolution de problèmes complexes, le coding, les sciences appliquées à l’électronique et autres… l’enseignant dans ce processus sera le chef d’orchestre. Il indique, coordonne, et accompagne.

Selon vous, comment faire en sorte que notre enseignement supérieur public puisse permettre aux jeunes d’être plus créatifs ?

Il faut en priorité sortir du format purement académique de l’enseignement. Aucun professeur dans une grande école, université ou autre, ne devrait avoir ce titre que s’il a fait du terrain.

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