ALM : Quel est le stade d’avancement de la stratégie optée par votre ministère ?
Abdelkader Aâmara : Nous menons, actuellement, de nombreux chantiers et projets initiés dans le cadre de stratégies sectorielles claires et intégrées mises en place pour dynamiser et promouvoir les secteurs de l’industrie, du commerce et des nouvelles technologies. S’agissant de l’industrie, nous avons pour ambition d’édifier un secteur industriel compétitif à même de faire face à la concurrence internationale. A cet égard, nous œuvrons, principalement, à améliorer la compétitivité des PME ainsi que leurs potentialités productives, à développer un climat des affaires attractif, à créer, dans toutes les régions du Royaume, des espaces d’accueil de nouvelle génération et à focaliser les efforts de relance industrielle sur les filières à fort potentiel de croissance et pour lesquelles le Maroc possède des avantages compétitifs exploitables qui sont plus communément appelés métiers mondiaux du Maroc (MMM : automobile, aéronautique, électronique, offshoring, textile et agroalimentaire). À mi-parcours, nous faisons le constat que la stratégie industrielle porte déjà ses premiers fruits avec des résultats intermédiaires concrets dont on peut citer : la création de plus de 50.000 emplois depuis 2008 dans les nouveaux métiers mondiaux. L’augmentation du PIB de 20 milliards de dirhams, soit + 20% entre 2008 et 2010. L’accélération du rythme d’aménagement du foncier industriel équipé, à raison de 200 ha/an depuis la mise en œuvre du Pacte au lieu des 35 à 40 ha/an auparavant. Les retombées positives des programmes Imtiaz et Moussanada sur la compétitivité des PME accompagnées en termes, notamment, de chiffre d’affaires et d’emploi. D’un autre côté, nous sommes en train d’étudier et d’examiner avec certaines organisations professionnelles la possibilité d’intégrer de nouvelles filières et secteurs à fort potentiel de croissance dans la stratégie Emergence. Pour ce qui est du secteur du commerce et de la distribution qui est un des piliers de l’économie nationale, nous nous employons à le restructurer et à favoriser la réintégration économique du commerce informel. Nous n’en sommes aujourd’hui qu’au début de la mise en œuvre de la stratégie Rawaj 2020 et nous avons pour ambition d’en accélérer l’accomplissement en vue d’accompagner et de dynamiser le développement du secteur en veillant principalement à édifier un maillage commercial équilibré en favorisant, d’une part, un développement adapté des commerces aux typologies des territoires, un développement harmonieux du petit et grand commerce et en encourageant, d’autre part, le développement de nouvelles formes de distribution. Développer un appareil commercial attractif en soutenant la modernisation des infrastructures commerciales, en encourageant l’animation des espaces commerciaux et en encadrant le commerce ambulant. Présenter au consommateur une offre diversifiée de produits de qualité répondant à ses attentes et ses besoins. Apporter des solutions aux problématiques sociales, ayant trait à la formation, à la représentativité des commerçants ainsi qu’à la protection du consommateur. À ce jour, des réalisations notables ont été enregistrées. Plus de 18.000 points de vente de détail ont déjà été modernisés, une réforme profonde de l’urbanisme commercial et une restructuration des marchés de gros des fruits et légumes ont été engagées et un master plan de formation aux métiers du commerce et de la distribution a été proposé. S’agissant du secteur des technologies de l’information et de la communication, notre ambition est d’ériger le Maroc en hub régional des TIC. Près de deux ans après le lancement de la stratégie Maroc Numeric 2013, nous faisons le constat que le Plan porte une dynamique soutenue de réalisations : 50 centres d’accès communautaire publics ont été réalisés dans les zones enclavées, rendant accessible l’Internet haut débit et 50 autres sont en cours de lancement. 3.000 établissements scolaires sont connectés à Internet. 66,5% des localités dépourvues de moyens de télécommunications ont bénéficié du programme Pacte visant la généralisation de l’accès aux télécommunications. Dans le cadre du programme e-gov, 27 services publics orientés usagers ont été lancés. Plus de 200 PME ont bénéficié du programme Moussanada TI qui soutient les investissements TI des PME par une subvention s’élevant à près de 60% de l’investissement en matière de technologies de l’information. Notre souci, actuellement, est de consolider les acquis, et d’identifier, en concertation avec nos partenaires, les moyens de contrer les obstacles entravant l’aboutissement des chantiers engagés.
Qu’en est-il de l’e-gouvernement ?
J’estime que l’e-gouvernement est d’abord un accélérateur du renforcement de la transparence et de l’égalité des chances dans l’accès aux services publics. C’est un chantier auquel je tiens particulièrement. En mettant les nouvelles technologies au service de l’administration, l’e-eov agit comme un levier d’amélioration de l’efficacité et de l’efficience de l’administration, par la rationalisation des dépenses de fonctionnement, notamment dans un contexte de crise. Mettre un service en ligne c’est aussi réduire le nombre de déplacements, d’interfaces et de documents. Enfin, et j’en suis convaincu, le programme reste le principal consommateur d’une industrie TI créatrice d’emplois qualifiés et de valeur ajoutée. S’agissant des réalisations enregistrées à ce jour, 10 projets sont opérationnels et 8 en cours de réalisation, dont 4 sont en phase de déploiement pilote. Concernant les projets en cours, il s’agit, notamment, de la création d’entreprises en ligne (CREOL), la dématérialisation de la commande publique, le SIE-éducation, … En ce qui concerne les projets déjà opérationnels, je citerai, notamment, le passeport biométrique ; les services relatifs à la retraite dans les secteurs public et privé ; le service de paiement des taxes locales en ligne ; les services des impôts en ligne (Simpl-IR, Simpl-IS, Simpl-TVA) ; les déclarations sociales pour les employés de la CNSS ; la Base automatisée des douanes en réseau (BADR), la prise de rendez-vous en ligne dans les hôpitaux (avec des pilotes en cours de généralisation). Le lancement de www.watiqa.ma, 1er guichet unique de commande en ligne de documents administratifs ; le premier pilote « Watiqa » a été lancé à Rabat. Tous ces services illustrent des réalisations concrètes, avec une vraie dynamique orientée «simplification». Pour ce qui est de nos orientations stratégiques futures, trois axes prioritaires ont émergé suite à la réunion, en mai dernier, du Comité interministériel e-gouvernement (CIGOV), instance de pilotage stratégique du programme, il s’agit de focaliser les efforts sur les projets à fort impact mais réalistes ; favoriser les interactions et la mutualisation au bénéfice des projets ; imprimer un rythme soutenu à la réalisation des projets en cours et futurs. Par ailleurs, une réflexion est également engagée sur le mode de gouvernance de ces projets qui devrait permettre une meilleure efficacité dans leur conduite et mise en œuvre et permettre également la mutualisation de l’effort et de la mise en synergie des différents programmes.
Comment votre département compte-t-il faire face à la volonté du gouvernement français de rapatrier toutes ses sociétés de services délocalisées au Maroc?
Permettez-moi, tout d’abord, de rappeler que le secteur des services orientés export «Offshoring» revêt une importance particulière pour le Maroc puisqu’il s’agit d’un des secteurs les plus porteurs en matière de création d’emplois et de contribution à la balance commerciale. En effet, 10 ans après l’installation des premières entreprises offshoring, le Maroc a fait son entrée dans la carte mondiale des destinations offshore : il se positionne dans le Top 30 mondial depuis 2 ans, et en tant que première destination pour le marché francophone des centres d’appels. Par ailleurs, le développement des centres d’appels français à l’étranger, et particulièrement, au Maroc, a été aussi porté par la volonté d’accompagner les autres secteurs économiques en matière, notamment, de service après-vente à des conditions compétitives. Effectivement, la réalité économique a témoigné en faveur du mouvement de «co-développement» (je préfère utiliser ce terme plutôt que «délocalisation») et à la recherche de nouveaux centres de croissance, compte tenu des exigences de compétitivité, notamment dans un contexte de crise. Enfin, il n’est pas dénué de sens de préciser que les investisseurs français, dans ce domaine au Maroc ou ailleurs, participent positivement dans la balance des paiements française en rapportant des recettes-dividendes en provenance des pays où ils installent des centres d’appels. De même et globalement, ces entreprises réalisent les taux de croissance les plus élevés dans leur secteur. D’un autre côté, les centres d’appels en France continuent à créer des emplois. Ce secteur emploie actuellement en France 250.000 salariés. En somme, le débat objet de votre question est suivi de près au Maroc, aussi bien de la part du secteur public que privé. Nous prenons en considération l’importance du secteur de l’offshoring dans nos actuelles négociations sur la libéralisation des services avec l’Union européenne. De plus, ce département ne ménagera aucun effort, en partenariat avec le secteur privé, pour sensibiliser la partie française à l’importance du secteur de l’offshoring au Maroc et sur la réalité économique qui impose à toute entreprise de réaménager son activité dans une vision de croissance, de compétitivité et de préparation de l’après-crise. Ceci devra s’opérer dans une logique gagnant-gagnant en prenant en considération l’impact positif de ce secteur aussi bien pour le Maroc que la France.
Que pourriez-vous nous dire sur votre affaire avec le magazine Al An?
Comme je l’ai déjà annoncé dans un communiqué, j’ai décidé de porter plainte pour diffamation et l’affaire suit son cours en justice.