Entretien

Conformément à notre plan de développement et en maintenant la cadence d’évolution à 12%…

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ALM : L’OFPPT vit depuis plusieurs mois un conflit social. Où en est l’intégration des formateurs sous contrat ?
Larbi Bencheikh : Je veux rappeler d’abord que l’OFPPT a tout mis en œuvre pour apaiser le climat social et trouver une issue favorable au dossier des formateurs sous contrat. En 2010 déjà, nous avions mis en place un nouveau régime de contractualisation qui a été validé dans le cadre d’une décision conjointe entre le ministère de la formation professionnelle et le ministère de l’économie et des finances et ce, pour améliorer les conditions de travail des formateurs contractuels, sans que ceux-ci le réclament. Parmi les nouveautés de ce régime peuvent être citées la prolongation de la durée d’engagement à une année renouvelable deux fois (au lieu de 7 mois dans l’ancien régime), la garantie d’avantages supplémentaires (augmentation des salaires, remboursement des frais de déplacement et des heures supplémentaires, congé annuel, etc.). Les formateurs pouvaient en plus bénéficier de la prévoyance sociale, au même titre que les agents statutaires, en termes de retraite et de couverture médicale. Pour ce qui est de la situation actuelle, je l’ai d’ailleurs réitéré lors de ma conférence de presse du 31 janvier dernier, en rappelant tous les moyens mobilisés pour la réalisation des clauses du protocole du 21 juin 2011 signé par le ministère de l’économie et des finances, la Fédération nationale de la formation professionnelle/UMT et l’OFPPT, nous nous astreignons, depuis cet accord, à la stricte application des dispositions et des mesures convenues pour assurer la paix sociale. Je peux affirmer que 80% des dispositions ont déjà été accomplies.
Toujours en vertu de ce protocole, il a été décidé l’intégration de tous les formateurs contractuels exerçant à l’OFPPT et dont le nombre s’élève à 2.404, échelonnés sur 4 phases, sur 18 mois. Déjà, la situation de plus d’un millier de personnes remplissant les conditions prévues par le statut du personnel de l’OFPPT et concernées par la 1ère et la 2ème tranches a été régularisée, ou intégrées par contrat CDI pour celles ne remplissant pas les conditions d’âge ou de diplômes. Les deux dernières tranches sont en cours de traitement et se dérouleront comme convenu en juin et décembre 2012. Dernier point sur lequel je souhaite revenir, ce sont les contestations qui s’éternisent et gênent le bon déroulement de la formation des stagiaires et qui sont le fait d’une petite minorité très agissante, mais qui ne représente qu’une infime partie de l’effectif des formateurs contractuels et ce, pour des doléances complètement infondées. Par exemple, ils ne représentent que 0,7% dans le Grand Casablanca qui compte près de 1.300 formateurs, soit à peine 10 personnes.

Comment l’OFPPT se prépare-t-il à la rentrée, surtout en prévision des grands objectifs fixés dans le cadre de son plan d’action? Combien comptez-vous accueillir de stagiaires?
Je commence par la 2ème partie de la question. Conformément à notre plan de développement et en maintenant la cadence d’évolution à 12% annuellement, nous prévoyons d’accueillir 315.000 stagiaires pour la rentrée 2012-2013, contre 280.000 pour cette année. Pour s’y préparer, le dispositif de formation de l’OFPPT sera renforcé de manière à accueillir un contingent de jeunes aussi important et à répondre aux besoins en compétences des secteurs porteurs tels que l’aéronautique et la logistique aéroportuaire, l’industrie agroalimentaire, la logistique, le BTP, les métiers de la filière équine…  L’année 2012 sera également marquée par l’initiation de projets de formation dans des secteurs nouveaux comme l’industrie pharmaceutique, les métiers de la grande distribution, les énergies renouvelables, les métiers de la ville (sécurité, gardiennage, transport de fonds)… 

Quels sont les chantiers ouverts cette année?
C’est effectivement une année charnière pour l’OFPPT ! En plus des plans d’actions déjà engagés pour le développement de l’offre et de l’amélioration de la qualité de formation, nous parachevons des projets structurants importants pour la modernisation de l’institution sur les plans de la gestion, de l’organisation et du financement. Il s’agit d’abord des projets de réorganisation et de régionalisation de l’OFPPT, en cohérence avec les recommandations de l’étude nationale menée à cet effet, pour un meilleur ancrage des entités régionales dans leur environnement socio-économique ; nous engageons également une refonte du système de financement de l’OFPPT pour la pérennisation des ressources financières; 3ème projet stratégique : la modernisation du système d’information avec la mise en place d’un système de management de la sécurité de l’information selon les normes internationales et d’un schéma directeur du système d’information intégré avec l’enrichissement de la cartographie fonctionnelle de l’OFPPT. 

Est-ce que vous pensez que l’Office est doté des moyens humains adéquats pour mener à bien sa mission?
Sur 8.353 collaborateurs de l’OFPPT, 5.920 sont des formateurs. Aussi, je peux affirmer que le corps formateur est la clé de voûte de notre dispositif de formation. Nos efforts en matière de recrutement portent sur cette catégorie, eu égard à l’évolution constante du dispositif de l’OFPPT qui génère automatiquement des besoins en termes de ressources humaines.
Les effectifs des formateurs sont donc appelés à augmenter, particulièrement dans les secteurs de pointe tels que les TIC, le tourisme, l’automobile, l’agroalimentaire, le transport & logistique, le BTP… C’est pour cela que l’OFPPT a instauré une politique de recrutement qui vise à embaucher des formateurs à fort potentiel, d’autant que nous avons les moyens en termes de formation, de perfectionnement et de certification de leur offrir des opportunités réelles de progression. Ainsi 93% des recrutements depuis 2008 sont des Bac+4 et ingénieurs issus des écoles d’ingénieurs, soit plus de 600 personnes. Nous recourons également à des vacataires, particulièrement ceux disposant d’un vécu professionnel.

Les budgets actuellement alloués à la formation sont-ils à la hauteur des ambitions des objectifs tracés par le gouvernement Benkirane?
Le nouveau gouvernement a, en effet, annoncé dans son programme la formation d’un million de jeunes sur la période 2012- 2016, tous opérateurs confondus. Cette proposition rejoint absolument le plan d’action de l’OFPPT. Encore faut-il disposer des moyens financiers et humains pour l’accomplir dans des conditions d’efficience espérées par tous ! Il faut savoir que le budget de l’OFPPT pour l’année 2011 s’est élevé à 2.118 MDH dont 35% proviennent des ressources propres de l’OFPPT, 24% des subventions et 42% de la TFP. Ces deux composantes sont en constante régression depuis plusieurs années, alors que l’OFPPT participe pour plus d’un tiers au financement de son plan d’action. En effet, les sources de financement ne connaissent pas le même rythme de croissance que le dispositif : le budget n’a évolué, en moyenne, que de 9% par an entre 2001 et 2010, tandis que les effectifs des stagiaires ont évolué de 422% et le dispositif de formation renforcé par la création de 126 nouveaux EFP. Pour parvenir à des indicateurs de performance aussi élevés, l’OFPPT a actionné plusieurs leviers pour la maîtrise des charges et entrepris dès 2002-2003 de profondes réformes des méthodes de gestion, grâce à une approche d’optimisation et de mutualisation des ressources qui a permis de former 800.000 personnes en dix ans tout en réduisant le coût de la formation par stagiaire de 52%, passant de 14.241 DH en 2001 à 6.834 DH en 2010. Nous avons ainsi permis à l’Etat de réaliser une économie de près de 8 milliards de DH au cours de cette décennie. Mais, les capacités d’optimisation, de mutualisation des moyens et de rationalisation des dépenses sont aujourd’hui épuisées.
Je suis donc obligé de répondre que l’OFPPT ne dispose pas des moyens suffisants, d’autant plus que nous sommes fortement sollicités pour répondre qualitativement et quantitativement aux besoins de tous les secteurs économiques. C’est d’ailleurs ce qui a motivé la demande d’un contrat-programme avec l’État, et ce afin de disposer des moyens pour répondre de manière efficiente à ces sollicitations, que ce soit en termes de formation initiale, continue ou qualifiante.

Le gouvernement Benkirane a annoncé la formation d’un million de jeunes à l’horizon 2015. Quel est votre plan d’action pour accompagner les grands programmes de l’Etat?
Comme je viens de le rappeler, l’OFPPT a d’ores et déjà une vision stratégique, concrétisée par un plan de développement à l’horizon 2016 pour la formation de plus d’un million de jeunes. Cette vision est basée sur une approche sectorielle, à savoir former les ressources qualifiées induites par les grands programmes de l’Etat : l’offshoring, l’aéronautique, l’automobile, le tourisme, le BTP, Maroc Vert, le contrat-programme logistique… selon un échéancier qui est l’objet d’une large concertation avec la CGEM, les branches professionnelles, les différents départements ministériels… Ce plan intègre aussi d’autres dimensions telles que le renforcement de la formation de proximité pour développer les prestations au niveau local, le soutien aux populations à besoins spécifiques et la promotion de l’employabilité et de l’entrepreneuriat et des jeunes à travers la formation qualifiante et l’appui à la création d’entreprises. Ce plan est mis en œuvre depuis la rentrée 2010-2011, mais nous attendons la signature du contrat-programme pour disposer des moyens financiers et humains pour le concrétiser dans des conditions optimales.

Les effectifs des stagiaires sont en hausse. Est-ce au détriment de la qualité de la formation?
Absolument pas ! Il est vrai que les effectifs des formés ont été multipliés par 5 depuis 2001 ! Mais, c’est une évolution planifiée, en phase avec les besoins de l’économie et qui a permis de doter le Maroc, je le rappelle, de 800.000 jeunes formés dans des conditions conformes aux standards en vigueur. Depuis 2002, parallèlement au renforcement du dispositif de formation, l’OFPPT a initié plusieurs actions pour garantir des formations de qualité, à travers une démarche qualité systématique. D’abord, la réingénierie de toutes les filières : 4.080 modules ont été élaborés couvrant l’ensemble des filières de formation (contre 124 modules réalisés jusqu’à 2001) avec l’appui d’expertises internationales et de 9 centres de développement des compétences opérant dans tous les secteurs. Je citerai également la spécialisation des formateurs et des espaces de formation… Autre action, le corps formateur bénéficie de bilans de compétences qui servent, par la suite, de base aux plans de perfectionnement individualisés.