ALM : Le Maroc a ratifié, il y a 18 ans de cela, la Convention internationale des droits de l’enfant. A quel point notre pays honore-t-il ses engagements en la matière ?
Aloys Kamuragiye : Le Maroc fait partie des pays qui sont sur le bon chemin pour la réalisation de plusieurs Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Des progrès notoires ont été réalisés dans différents domaines et ils sont visibles. Cependant, des contraintes dans la réalisation des droits des enfants, adolescents et jeunes, garçons et filles restent nombreuses dans certains secteurs comme la santé, l’éducation ou encore la protection. De plus, les disparités, principalement entre le milieu rural et le milieu urbain, mais plus encore entre les 20% plus riches (qui disposent de 30% du revenu national) et les 20% plus pauvres (qui disposent de 2%), posent des défis majeurs.
En quoi résident ces disparités?
Je vais vous donner l’exemple du taux d’analphabétisme qui est de 27% en milieu urbain contre 54% en milieu rural, et de la préscolarisation qui s’élève à 83,5% en milieu urbain est de moins de 44,7% en milieu rural. Toujours en matière d’éducation, en 2010-2011 le taux de scolarisation des enfants de 12-14 ans s’est élevé à 97% en milieu urbain, mais il n’est que de 59% pour le milieu rural. Même constat du côté de la santé avec un indicateur révélateur : la mortalité infanto-juvénile est de 25,42 pour mille naissances vivantes contre 35,07 pour le rural. Cette disparité nous la retrouvons même au sein du même milieu. Ainsi si nous prenons le milieu urbain, nous constaterons que le pourcentage des enfants de moins de cinq ans ayant une malnutrition chronique est de 2% pour le milieu urbain. Ce taux grimpe à 5% chez les enfants du milieu urbain pauvre. Ces exemples nous montrent qu’il est nécessaire que les politiques de développement prennent en considération ces disparités et qu’elles fassent en sorte que les fruits des progrès soient équitablement répartis entre tous les enfants quels que soient leur sexe, leur milieu de résidence ou leur niveau de revenus.
Tout récemment, le Maroc a procédé à la signature du protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communication. Seulement il n’a pas encore été ratifié. Une fois la chose faite, en quoi cela l’engagera-t-il réellement?
Le Maroc a été parmi les premiers pays signataires du 3e protocole facultatif et le seul dans la région MENA, ce qui représente, en fait, un indicateur sur l’engagement du Maroc à adopter et à s’aligner sur les normes et réformes internationales en matière de respect, de promotion et de protection des droits de l’Homme en général et des enfants en particulier. La ratification du protocole est une étape qui devra suivre et à notre connaissance elle est prévue par le gouvernement.
Ce protocole donne la possibilité aux enfants de déposer individuellement une plainte directe pour toute forme de violation de leurs droits auprès du Comité des droits de l’enfant. Comment cela se fera-t-il concrètement? Et quelles sont les limites de cette procédure?
Les communications-plaintes devraient s’aligner sur les dispositions incluses dans le protocole, notamment les critères de recevabilité, tenir en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, épargner toute situation de manipulation et surtout l’épuisement de recours local ou interne qui se fait généralement auprès de la justice et devrait se faire à travers les institutions indépendantes des droits des enfants. Après réception de la plainte ou information sur une violation grave ou systématique des droits de l’enfant, le comité entame la procédure d’enquête, qui est similaire à ce qui se fait pour les autres organes de traités, et engage un de ces membres pour mener une enquête avec visite au pays. On ne peut cependant pas évaluer à l’heure actuelle les limites de cette procédure. Elle pourrait conduire au niveau des pays à la mise en place des mécanismes de dédommagement aux victimes, encourager l’amendement de la législation et l’amélioration des politiques de protection des droits de l’enfant, et accélérer le processus de la mise en place des mécanismes de recours accessible aux enfants, notamment au niveau local.
Quelles sanctions ce protocole prévoit-il en cas de non-respect de ses clauses?
Le protocole ne prévoit pas de sanctions en cas de non-respect de ses clauses. Néanmoins, il demeure un engagement international du gouvernement du Maroc et vis-à-vis de la société marocaine et des enfants du Maroc.