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Nabil Jedlane : «Cette pandémie a montré aux pays africains l’importance et l’intérêt de la solidarité régionale»

© D.R

Entretien avec Nabil Jedlane, professeur universitaire 

Dans cet entretien, Nabil Jedlane, chef du département management à l’Ecole nationale de commerce et de gestion de Tanger, nous parle de l’impact du Covid-19 sur l’économie africaine, à l’issue d’un webinaire international organisé à l’initiative de l’ENCGT sous le thème «L’Afrique à l’épreuve de la Covid-19».

ALM : Quel est l’impact de la pandémie sur l’économie mondiale en général et africaine en particulier ?

Nabil Jedlane : Covid-19 n’est pas seulement une pandémie et crise sanitaire, c’est également un choc économique sévère qui a touché le monde entier. L’économie mondiale a déjà perdu 6 points de PIB passant selon le FMI à -3%. Bien sûr les régions et les pays ne sont pas touchés de la même façon et de la même ampleur. Les pays avancés ont été touchés plus que les autres. Ceux d’Afrique sont affectés par la pandémie et la récession économique de façon très hétérogène. Mais dans l’ensemble, le continent africain reste à ce jour le continent le moins touché, avec seulement 136.677 cas recensés et 3.941 décès liés à la Covid-19 déclarés fin mai. Son PIB réel de 2020 devrait baisser de 1,7% selon le FMI.

Comment cette pandémie pourrait-elle affecter l’image et la position de l’Afrique au niveau mondial ?

Lorsqu’on parle de l’Afrique, on a tendance à penser aux catastrophes naturelles, aux guerres civiles, aux maladies… Malheureusement même lors de cette pandémie, nous n’avons pas dérogé à la règle, et on s’attend à ce qu’une catastrophe touche l’Afrique. Cette crise et malgré son aspect négatif et son coût élevé que ça soit sur le plan humain, économique ou social, a montré un autre visage de l’Afrique : plusieurs pays ont préféré sauver des vies humaines au détriment des coûts économique et social. De plus, au moment où d’autres régions ont joué la carte nationale, les pays africains ont montré une certaine solidarité infra-régionale et cela pourrait renforcer l’intégration régionale africaine.

Est-ce que cette crise pourrait affecter le processus d’intégration au sein de cette zone ?

Je crois qu’à moyen et long termes, et comme je l’ai déjà signalé, l’intégration au sein des sous-régions africaines devrait se renforcer. Covid-19 a impacté négativement le processus de mondialisation et l’intégration européenne qui était déjà affaiblie par plusieurs événements, notamment le Brexit. On va assister à une remontée de vagues de protectionnisme à moyen terme. Les blocs régionaux seraient par contre épargnés de ce phénomène. Ce qui pourrait encourager encore plus les processus d’intégration régionale à travers le monde et l’Afrique n’échapperait pas à cette tendance. De plus, cette pandémie a bien montré aux pays africains l’importance et l’intérêt de la solidarité régionale. On a assisté au lancement de plusieurs initiatives africaines pour lutter ensemble contre cette pandémie et je cite à titre d’exemple l’initiative des chefs d’Etat africains de lutte contre l’impact de la pandémie Covid-19 lancée par SM le Roi Mohammed VI.

Est-ce que les pays africains disposent des mêmes marges de manœuvre pour faire face à cette crise ?

Les pays africains ne sont pas touchés de la même façon, leurs situations économiques, financières, sociales et politiques d’avant-crise diffèrent l’un de l’autre et ils n’ont pas tous réagi de la même façon face à la Covid-19. Certains pays étaient fragiles même avant la pandémie et souffrent déjà des taux d’endettement et d’inflation très élevés. Et donc ils ont beaucoup moins de marge de manœuvre que d’autres. En outre, les pays exportateurs de pétrole ont vu leurs recettes s’effondrer. Ce qui a limité encore plus leur pouvoir d’intervention. D’autres qui sont très ouverts et se basent surtout sur une demande externe plus importante que la demande interne seraient également très affectés par cette crise. A très court terme, la priorité est de faire face à la pandémie sanitaire et de sauver des vies.

Comment les banques pourraient-elles aider les pays africains à faire face à ce choc économique ?

En période de crise, les banques sont appelées à jouer le rôle de sauveur des entreprises aux côtés du prêteur en dernier ressort et du gouvernement. Elles doivent contribuer au refinancement des entreprises en difficultés pour les maintenir artificiellement en vie jusqu’à ce qu’on traverse la période d’hibernation de l’économie. Tout à l’heure lorsque j’ai abordé la question de la politique à adopter pour faire face aux chocs économiques, j’ai cité un certain nombre de limites qui empêchent la transformation de la masse monétaire créée en demande réelle adressée aux entreprises. Et dans ce cadre, une banque citoyenne est le secret et la clé de réussite. Les banques sont appelées a faire preuve d’innovation et de proposer de nouveaux instruments de financement aux entreprises en difficulté. Elles gagneraient beaucoup à renforcer et accélérer leurs efforts de digitalisation. De façon générale, la banque devrait revoir son business model.

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