Entretien

Pourquoi un syndicat qui prend la défense des profes-sionnels de l’information serait-il moins légitime…

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ALM : Les journalistes de la chaîne viennent de constituer une nouvelle coordination syndicale. Pourquoi une telle initiative sachant qu’il y a déjà une représentation syndicale à la chaîne ?
Ouadih Dadah : En réalité, pour être précis, ce n’est pas véritablement une nouveauté. Le SNPM était déjà représenté au sein de la chaîne, et il a même été très actif au milieu et à la fin des années 90. Après une période de sommeil d’une décennie, nous avons décidé de le réactiver. Nous avons été trop longtemps silencieux face aux accusations ou critiques souvent infondées qui étaient proférées à l’encontre du personnel de 2M et en particulier les membres de la rédaction.
Au-delà de cela, il y a aussi de nombreuses carences en termes de conditions de travail, de moyens humains et matériels qui empêchent de travailler dans des conditions optimales. Et il se trouve que ces revendications sont spécifiques aux corps de métiers impliqués dans la réalisation des rendez-vous d’information. C’est pour vous dire que nous nous inscrivons dans une démarche complémentaire avec nos camarades de l’UMT. Il n’est pas du tout question, comme certains ont pu le penser, d’être des concurrents ou de se tirer dans les pattes.

Cette coordination étant placée sous la houlette du SNPM, ne craignez-vous pas que certains y voient plutôt une démarche corporatiste ?
Et après ? Il n’y a absolument aucune honte à vouloir défendre des corps de métiers qui ont tous des spécificités communes et des particularités. Pourquoi un syndicat qui prend la défense des professionnels de l’information serait-il moins légitime qu’une organisation qui se porte garante des droits des architectes, des notaires ou des chauffeurs routiers ? Bien au contraire, nous sommes les mieux placés pour connaître et comprendre les attentes et les besoins de métiers que nous exerçons au quotidien. Tout ce qui est des questions transversales comme les primes de scolarité ou encore l’accès aux centres de vacances, est du ressort de l’UMT au sein de la chaîne.
 
Vous n’avez pas encore finalisé votre cahier revendicatif. Mais peut-on avoir un avant-goût de ce que vous demanderez à la direction générale ?
Nous allons donner la parole aux membres de la quinzaine de corps de métiers que nous avons identifiés comme étant impliqués dans la réalisation des produits d’information au sens large. Mais il ressort d’ores et déjà que le manque criant d’effectif et la précarité des indépendants appelés aussi free-lance, seront au premier rang de nos revendications. Pour parler d’un programme que je connais bien, le journal télévisé de 20h45, je peux vous dire sans exagérer que sa réalisation au quotidien relève du miracle. Nous sommes en permanence obligés de «bricoler» avec les moyens (humains) du bord, ce qui affecte nécessairement la qualité de l’antenne. Quant aux contrats free-lance, il y a manifestement un abus. Nous considérons comme étant anormal que des professionnels reconnus pour leurs compétences enchaînent les années de précarité. C’est même le cas de collègues qui passent à l’antenne.

Avez-vous été reçus par le directeur général ?
Dans le cadre d’une démarche responsable et de concertation nous avons naturellement demandé à être reçus par la direction générale, ne serait-ce que pour disposer d’un bureau et pouvoir mener notre action conformément aux termes de la loi. À l’heure où nous réalisons cet entretien le directeur général ne nous a pas encore répondu. Mais nous sommes sûrs qu’il trouvera le temps de nous recevoir.

Depuis quelque temps, les télévisions publiques, dont 2M, font l’objet d’un débat quant à la qualité des émissions et du contenu de leur rendement. Beaucoup trouvent que le rendu est médiocre par rapport au budget alloué. Vous qui vivez cela de l’intérieur que pouvez-vous nous en dire ?
Vous savez, la télévision publique c’est un peu comme l’équipe nationale. Il y a autant d’avis sur la stratégie à adopter qu’il y a de téléspectateurs. Maintenant, que 2M soit critiquée c’est plutôt bon signe. Cela témoigne de l’intérêt que suscite notre chaîne malgré le déferlement de télévisions via le satellite.
En termes de contenu, l’information à 2M est toujours en pointe malgré les contraintes de moyens auxquelles elle doit faire face.
Et ce qui motive notre action c’est justement la volonté de pouvoir offrir au public marocain encore plus de programmes informatifs et de qualité encore meilleure. 

Vous faites partie des figures connues du public marocain. Vous présentez le JT chaque soir et une émission économique mensuelle. Plutôt relâché comme emploi du temps…
2M a aussi ce pouvoir, en plus du lien qu’elle nourrit avec le public marocain, de pouvoir donner sa chance à des passionnés de télévision. Effectivement, le rythme à la chaîne est assez soutenu de par mes responsabilités. Mais je suis loin d’être un cas unique au sein de la rédaction. Et c’est surtout l’illustration d’une passion pour ce métier que nous sommes nombreux à nourrir. Bon nombre d’entre nous passent plus de temps à Ain Sebaâ que chez eux. Alors autant avoir de meilleures conditions de travail pour remplir au mieux notre mission.

Récemment, le ministère de la tutelle a mis sur la table un autre cahier des charges pour les chaînes publiques. Elles vont avoir moins de subventions et devront donc aller chercher des recettes publicitaires supplémentaires. Mais en même temps elles doivent continuer d’assurer leur mission de service public parfois au détriment de la publicité justement. Vous pensez que cet équilibre est réalisable ?
2M est une chaîne publique, même si elle a toujours eu un statut ambigu. De fait elle est soumise au cahier des charges défini par le gouvernement. Mais encore faut-il que le gouvernement en question tienne ses engagements, notamment en matière de concertation. Lors de sa première visite au sein de nos locaux, le ministre de la communication nous avait promis d’impliquer les professionnels dans la définition de ses orientations. Ce qui n’a manifestement pas été le cas puisque nous avons appris le contenu du nouveau cahier des charges dans la presse en même temps que le grand public. Sur le fond il y a beaucoup à dire.
À commencer par la création de nouveaux programmes comme un journal régional et des émissions de débats sans qu’il ne soit prévu les fonds nécessaires. Il faut savoir que la mise en œuvre de ce nouveau cahier des charges nécessite de tripler les moyens matériels et humains. Or, à l’heure actuelle la dotation de l’Etat atteint à peine 70 millions de dirhams par an, ce qui représente 5% du budget de 2M.
 
Rêvons un peu. Si demain vous êtes nommé directeur général de 2M, vous commenceriez par quoi ?
Ça ne sera peut-être pas pour demain, mais sans prétention aucune et sans vouloir rêver je compte bien diriger un jour une chaîne de télé marocaine, 2M ou une autre. Mais en attendant, faisons un peu de réalité-fiction. Je pense que ma première mesure consisterait à créer et fixer des objectifs semestriels pour chaque corps de métiers avec un système de gratification/sanction appliqué par un collège représentatif. Je pense que la chaîne y gagnerait beaucoup en efficacité et en optimisation de moyens.

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