Entretien

Un constat alarmant : Les jeunes s’isolent de plus en plus

© D.R

ALM : Parlez-nous brièvement de l’événement qui a eu lieu jeudi dernier. Quel a été le contexte, les objectifs et les résultats attendus ?

Anouar Zyne : C’était la première soirée de Gala de l’Organisation de la jeunesse constitutionnelle. C’est un évènement annuel d’ouverture de l’OJC sur les milieux d’affaires, les autres acteurs de la société civile, les médias et les personnalités publiques de sport et de culture. Les objectifs sont multiples et clairs : d’abord, récolter des fonds, destinés totalement à financer des actions en faveur de la jeunesse, militante ou non, au sein de notre organisation, ensuite, rendre hommage à des noms qui œuvrent en faveur de l’éveil citoyen et l’engagement des jeunes, enfin, s’ouvrir davantage sur l’environnement de l’action militante, en dehors de toute actualité électorale ou besoin de fonctionnement.

C’était par ailleurs un nouveau beau moment de rassemblement du parti et de sa jeunesse, matérialisé par la présence du secrétaire général Mohamed Abied et plusieurs membres du Bureau politique, qui ont beaucoup soutenu la jeunesse pour la réussite de cet évènement. Une soirée de Gala, c’est tout de même une première dans le milieu militant !

Quel est le crédo de l’OJC et sa feuille de route ?

Depuis son deuxième congrès national, l’OJC s’est attelé à la structuration au niveau régional et la pérennisation de son fonctionnement. Huit mois et près de 10.000 km plus tard, le constat est alarmant: les jeunes s’isolent de plus en plus. Les nouvelles technologies aidant, un jeune, aujourd’hui, en moyenne au Maroc, est totalement coupé de sa famille, son quartier, son milieu scolaire et son loisir de base au sein d’une éventuelle maison de jeunesse.

J’ai vu réellement le sens des statistiques, mentionnées dans les études sur les jeunes, notamment celles du HCP en 2011 : 1% militent dans une organisation constitutionnelle, 6% s’intéressent à la chose publique. De ce fait, l’OJC axe son intervention sur l’éducation à la citoyenneté, au civisme et soutient des projets d’inclusion, de récupération à la vie réelle, avec ses opportunités et ses menaces, les jeunes qu’elle croise, militants ou non. Concrètement, ce sont des ateliers de formation, du suivi dans le cadre de groupes de personnes sous forme de «clubs» et des financements d’actions à fort impact auprès des étudiants, comme le service de photocopie universitaire à bas coût.

D’abord former des démocrates, puis reparler de démocratie…  Evidemment, l’OJC n’a pas vocation à tout régler, mais contribuer à préparer une élite impliquée laquelle, le jour venu, ne se perdra pas dans les conseils des cabinets privés et les power points… Nous pensons que le meilleur rendement pour les années à venir se trouve du côté des jeunes, et que cela implique donc de l’investissement !
 
Quels sont les moyens dont dispose l’organisation pour mener à bien ses missions ?

Des femmes et des hommes, jeunes, et extraordinaires, qui croient dur comme fer dans le projet OJC et le mèneront jusqu’au bout. Le budget de fonctionnement est totalement assuré par la contribution du parti, le fonds d’aide du ministère de la jeunesse et des sports (120.000,00 DH/an), et les contributions des membres de l’OJC qui le peuvent ou qui sollicitent des soutiens locaux auprès des dirigeants du parti dans les régions lors de nos déplacements.

Le budget d’investissement est aujourd’hui levé auprès de partenaires, mécènes et donateurs qui partagent notre conviction, le National Democratic Institute (NDI), Friedrich Naumann Foundation (FNF), sous forme de prise en charge, et des privés, personnes morales ou physiques, qui participent à nos évènements comme à la récente soirée de gala.
 
Cela fait depuis déjà quelques années que vous militez pour la cause des jeunes. Quelles sont vos satisfactions et frustrations?

Je ne ressens aucune satisfaction pour le moment mais beaucoup de frustrations. La moisissure qui ronge la jeunesse, en retrait de tout, est un diable qui se cache dans les applications des téléphones mobiles et dans les réseaux sociaux.

L’Etat providence, c’est terminé. Et la chance ne sourira qu’à celles et ceux qui connaissent leurs droits et leurs devoirs, et qui y mettent l’effort nécessaire pour y arriver. Un jeune en péril est un danger, un jeune en bonne voie est une chance, et le «zéro risque» comme «le zéro chance» n’existe plus.

Agir maintenant, efficacement, en urgence, c’est rendre réel le mythe de «la jeunesse qui est la vraie fortune du pays». Se tenir à une neutralité bienveillante et quelques artifices de communication, c’est choisir un risque majeur. La jeunesse n’a pas besoin d’aides humanitaires, la jeunesse a besoin de la jeunesse, appuyée par une vraie démarche contractuelle avec le reste de la société.

Quelles sont les principales dates à retenir par rapport à votre calendrier de 2014 ?

La convention nationale de l’OJC, prévue début avril à Bouznika, réunira le conseil national de l’OJC autour des actions aux niveaux domestique, local, provincial et régional. A partir de là, en partenariat avec le NDI et le FNF, nous lancerons OJC Academy, un programme de formation itinérant, sur 8 régions du Maroc. Egalement au programme, le lancement d’un Grand prix de recherches pour récompenser les meilleurs travaux de recherches des niveaux licence, master, doctorat et en sciences politiques.

Le lancement du Prix du jeune écrivain, ouvert aux lycéens, fait partie du calendrier. La mise en place d’une instance nationale des étudiants, avec une nouvelle vision inclusive, et des actions de soutien à la bonne scolarité, notamment en termes d’accès aux livres et aux services de copie low cost, est également prévue. Enfin, nous ferons le bilan de tout cela lors de l’Université d’Automne, dans sa deuxième édition, en septembre prochain.

Aux niveaux national et international, l’OJC lance avec les jeunesses du MP, du RNI et de l’AJA la Fédération marocaine des jeunes libéraux, ce qui confortera sa position au sein de l’Alliance des jeunes arabes pour la liberté et la démocratie, renforcera ses partenariats directs, comme celui fait avec l’UMP en France, en Europe, en Amérique et en Afrique. Et en fin d’année 2014, nous lancerons les préparations pour le prochain congrès national de l’OJC, afin de le tenir en 2015, après celui réussi de 2013.

Nous pensons que 2 ans est un bon mandat pour agir, et que 4 ans est un mandat pour durer. En sincère démocrate, nous devrions donner le maximum de chance aux membres de l’OJC pour aspirer à des fonctions de leadership.
 
Quel regard portez-vous sur le gouvernement Benkirane ?

Un regard plein de tendresse… La volonté de bien faire ne suffit pas. Savoir faire sans passer par un milieu militant limite l’efficacité. Certaines «greffes» techniques ne prennent pas, abstraction faite de la valeur des femmes et des hommes dans leur milieu d’origine.

Ceux qui savent faire de la politique ne savent faire que cela, et donc manquent de technicité. La Constitution de 2011 n’a pas eu les gouvernements qu’elle méritait, sans m’avancer dans des jugements de valeur qui seraient indignes du travail que tente de fournir ce gouvernement… Je continue à penser qu’il faut traiter le mal et non pas le syndrome, c’est-à-dire la société et non pas ceux et celles qu’elle «choisit» pour la gérer.
 
Un mot peut-être sur le monde des médias puisque vous en avez fait partie et que vous avez marqué votre passage ….

Je n’en suis jamais loin. La société civile, dont l’OJC fait partie, et les médias, sont à mon sens les deux environnements les plus propices, les plus proches, pour faire fonctionner une démocratie. C’est peut-être dû à la sélection au départ, qui fait que l’on a les acteurs que l’on souhaite voir. C’est certainement pour ces deux raisons que les deux milieux peinent, y compris avec ce gouvernement…
 
Quelles seraient vos ambitions sur le plan politique ?

J’aspire à pacifier le passé, conforter le présent et construire l’avenir au sein de ma famille politique.
La patrie est une mère, et une mère pardonne toujours. Chacun est tenu de rendre à la patrie mère un peu de ce qu’elle lui a donné. J’y pense en me rasant le matin…
 
Le mot de la fin ?

Une jeunesse militante est un acteur de la société civile comme les autres. La société civile, c’est l’inverse d’une société militaire ou d’une société privée de ses droits civiques. J’invite les milieux d’affaires, une partie des médias, les acteurs culturels et sportifs, à changer de regard sur les jeunesses militantes. Elles font déjà un choix suffisamment difficile. Il faudra dédramatiser tout cela et soutenir les plus méritants.