Repris de justice
Le viol est un acte criminel qu’une femme, victime, n’oublie jamais. Elle en garde des séquelles jusqu’à la fin de sa vie. Alors qu’en est-il lorsqu’elle s’agit d’un viol collectif ?
Portant une djellaba grise et un foulard orné d’un décor végétal, cette jeune femme, âgée de vingt-six ans, se tient dans un coin au hall du siège de la Cour d’appel de Casablanca, en compagnie de sa mère et sa sœur unique. Dès que la sonnette tinte dans la salle d’audience, le président de la Cour, ses deux assesseurs, le représentant du ministère public et le greffier prennent leur place au perchoir, toutes les trois entrent : la victime, sa sœur et leur mère, pour prendre leur place parmi l’assistance.
Nous sommes au début de l’après-midi de ce jour de la première semaine du mois courant, septembre. Le président appelle ce jeune homme, âgé de vingt-quatre ans, à la barre. De petite taille, vêtu de pantalon en bleu jean et chemise demi-manche rayée en bleu et blanc, il se tient devant la Cour et clame son innocence dès le début de son interrogatoire. Il affirme n’avoir jamais violé la plaignante et qu’elle était sa maîtresse qui lui a demandé de se présenter chez ses parents pour la demander en mariage.
«Mais je ne voulais pas lui céder, M. le président», affirme-t-il. Une raison pour laquelle il croit, selon ses déclarations devant la Cour, qu’elle a inventé cette histoire de viol. Ce repris de justice – il a déjà été condamné pour trafic de drogue – affirme qu’il ne pouvait pas l’épouser parce qu’elle est une fille de tout le monde. «Elle couchait avec n’importe qui», confirme-t-il devant les trois magistrats.
Hors d’elle, la victime le traite, devant la Cour, de menteur. Le président lui demande de se taire et de ne plus parler sans la permission de la Cour.
Selon les déclarations du mis en cause consignées dans le procès-verbal de son audition, il a avoué l’avoir violée collectivement en compagnie de deux autres jeunes hommes. Tous les trois ont suivi ses pas lorsqu’elle venait de descendre du bus pour l’encercler ensuite et la conduire, sous la menace d’armes blanches, vers une chambre qu’ils louaient avec voisins. L’horloge indiquait 21h passées lorsqu’elle s’est retrouvée entourée de trois malfrats. Sans pitié, ils l’ont obligée à leur céder à tour de rôle. Ce n’est que vers 4 h du matin qu’ils l’ont relâchée. En arrivant chez elle, elle a raconté ce qu’elle a enduré à ses parents qui l’ont emmenée chez la police. Une plainte a été portée. Les investigations ont été soldées par l’arrestation de l’un des trois suspects. Les deux autres sont en état de fuite.
Verdict : jugé coupable, le mis en cause a écopé de dix ans de réclusion criminelle.