«J e ne suis plus la femme que j’étais, M. le président. Le jour, je n’arrive plus à sortir de ma chambre. La nuit, je n’arrive plus à fermer les yeux». Une confession qui déchire, ce jour du mois de mars, le silence qui règne dans la salle d’audience, à la chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca. Elle raconte son histoire sans arriver à retenir ses larmes qui coulent de ses yeux. Avec une djellaba bleue et un foulard jaune, cette femme voilée n’arrive pas à fixer les yeux du président de la Cour qui l’interroge. Elle lui répond tout en fixant le sol . «J’essaie d’oublier tout ce qui m’est arrivé», dit-elle en poussant un soupir de soulagement. «Mais, c’est difficile», précise-t-elle tout en révélant le rôle de son mari qui déploie tous ses efforts pour la soutenir. «Il ne m’a pas abandonnée. Au contraire, il m’aide à surmonter mes souffrances et me soutient. C’est un brave homme», ajoute-t-elle en écrasant la seule larme qui lui reste sur la joue. Elle est encore jeune, elle n’est qu’à son trente-sixième printemps. Son mari, son aîné de huit ans, n’oublie, sans aucun doute, le premier jour de leur rencontre. Car il l’aime. Et tout amoureux n’oublie jamais le premier jour de sa rencontre avec sa bien-aimée. En fait, ils demeuraient au même quartier. Leurs chemins se croisaient de temps en temps. Mais, ils n’ont jamais échangé le moindre mot. Seulement, au fil du temps, il est tombé amoureux d’elle. Elle remarquait ses regards qui suivaient ses pas. Mais elle ne croyait pas que c’était l’amour jusqu’au jour où il a osé se présenter devant elle et lui exprimer ses beaux sentiments. Elle n’oubliera jamais ce jour. Sans aucun doute, ses premiers mots résonnent encore dans ses oreilles. La nuit de noces a été célébrée et le couple a emménagé dans un foyer conjugal. Ils ont mis au monde deux enfants qui semblent avoir cimenter leur amour. Un amour qui reste encore intact malgré ce qui est arrivé à l’épouse. Qu’est-ce qui lui est arrivé ? Elle était chez sa tante qui venait de perdre son mari dans un accident de circulation. Elle ne demeurait pas trop loin de chez elle. C’est pourquoi elle n’a pas pris un moyen de transport en commun. Elle a choisi d’aller et de retourner chez elle à pied. Il était 19 h passées quand elle venait de sortir de chez sa tante. À mi-chemin, un jeune gaillard lui a coupé le chemin. Il était armé d’un couteau. «J’étais sous l’effet de la drogue M. le président. Je ne me souviens pas d’elle», déclare Habib Allah accusé d’avoir kidnappé et violé cette femme qui se tient devant la Cour. Chez la police judiciaire, il a avoué l’avoir vue marcher toute seule et il a décidé de la violer. Avec son couteau, il l’a menacée de meurtre si elle ne l’ accompagne pas. Paniquée, elle lui a cédé. «Je n’avais pas d’autre choix, M. le président», précise-t-elle à la Cour. Il l’a violée juste derrière les murs d’une école primaire, un coin du quartier Sidi Othmane plus ou mois obscur. Quelques minutes plus tard, il l’a relâchée. «Je ne me souviens de rien, M. le président». C’était la phrase que Habib Allah a répétée tout au long de son procès. Mais la Cour ne l’a pas cru et l’a jugé coupable de kidnapping et viol et l’a condamné à cinq ans de réclusion criminelle.