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Il tue en France, on le juge au Maroc

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«Tous les éléments sont convergents : Faïçal Mesfaoui boit, tue et se réfugie au Maroc avec son frère. Il mérite la prison à perpétuité». Par ces mots, le représentant du ministère public près la chambre criminelle de la Cour d’appel de Casablanca achève son réquisitoire. Faïçal Mesfaoui, qui n’a cessé, depuis son premier interrogatoire, de clamer son innocence, a le visage crispé. Regrette-t-il d’avoir pris la fuite vers son pays natal, le Maroc, pour risquer ainsi l’emprisonnement à perpétuité alors qu’il n’a été condamné par contumace, en France, qu’à 30 ans de réclusion criminelle ? Probablement.
En revanche, ce réquisitoire semble satisfaire Me Edouard Martial, l’avocat français de la famille du défunt, soutenu par Me Zakaria Lakcham, du barreau de Rabat. Cette fois, Me Martial a fait seul le déplacement depuis la France pour assister à cette quinzième audience depuis l’ouverture de cette affaire par la chambre criminelle. Dominique Fillol, la veuve du défunt, qui s’est déjà rendue à deux reprises à Casablanca pour témoigner devant le juge d’instruction, ne l’accompagne pas cette fois-ci.
Dominique Fillol n’oubliera jamais cette nuit du samedi 8 novembre 1997. Il était 2 h 30 du matin. Elle se trouvait avec Jean-Louis, son mari, dans une soirée. Entre la femme et son mari, une dispute éclate. Très en colère, Dominique décide de s’en aller. Elle se dirige, seule et sous la pluie, vers son domicile.
Au volant de sa voiture, son mari la suit. À hauteur de l’avenue de la Marne, une voiture le double soudain et s’arrête à sa hauteur. Quatre personnes dont une jeune fille se trouvent à bord : les deux frères Faïçal et Yasser Mesfaoui, le propriétaire de la voiture, Rachid El Hamidi et une certaine Hélène Boucher. Survient alors un échange de paroles agressives entre Jean-Louis Fillol et les passagers de l’autre voiture. Soudain, cela dégénère. Jean-Louis Fillol est atteint d’un coup de couteau à la nuque. Faïçal et ses amis reprennent alors leur route. Ils vont même, lorsqu’ils passent au niveau de Dominique, lui proposer de la raccompagner chez elle.
L’enquête policière est diligentée après la découverte du corps sans âme de Jean-Louis Fillol. Sa femme est alors suspectée du meurtre. Elle est même placée en garde à vue. Il faut attendre quelques jours pour que le conducteur de la voiture, Rachid El Hamidi, se livre aux policiers pour relater les faits. Hélène Boucher, la jeune fille qui était en leur compagnie, a été interpellée elle aussi et livre tous les détails de l’affaire. Hélène et Rachid affirment que Faïçal, alias Brun, est bel et bien l’auteur du crime.
Mais pas moyen de mettre la main sur Faïçal et son frère, qui ont pris la fuite pour se réfugier au Maroc. Jusqu’à ce que, cinq ans plus tard, ils soient arrêtés par la police à Casablanca, qui découvre que Faïçal a déjà été condamné par contumace à 30 ans de réclusion criminelle tandis que son frère, Yassir, poursuivi pour non-assistance d’une personne en danger, a écopé d’un an et demi de prison avec sursis.
Du fait de sa double nationalité française et marocaine, Faïçal doit être jugé au Maroc. Seulement, le dossier traînera durant quatre autres années, parce que les témoins résidant France n’ont pas pu se déférer à la convocation de la justice marocaine. Il faudra que le ministre français de la Justice se rende au Maroc, le 8 juin 2006, pour donner suite à la requête de la veuve Fillol. Un mois plus tard, le 6 juillet, Pascal Clément téléphone à son homologue marocain, Mohamed Bouzoubaâ, pour lui demander l’obtention d’une commission rogatoire internationale afin de permettre l’audition des témoins en France.  La dernière audience aura donc lieu le 6 décembre dernier.
«Je n’ai rien à voir dans cette affaire», affirme Faïçal devant la cour. Pourquoi donc a-t-il regagné le Maroc ? «Pour acheter des ustensiles de cuisine pour un restaurant et pas pour fuir», répond-il. Une réponse peu convaincante. Ensuite, ajoute-t-il, quand il a été avisé par une copine que son ami, Rachid El Hamidi, conducteur de la voiture, l’avait dénoncé, il avait décidé de quitter la France.
L’avocat des deux frères, Me Tayeb Omar du barreau de Casablanca, réclamera en vain l’acquittement de ses clients. La Cour, qui ne déliberera pas plus de vingt minutes, condamne Faïçal à la réclusion à perpétuité et son frère Yassir à 3 mois de prison avec sursis assortis d’une amende de mille dirhams. Les deux frères ont interjeté appel. L’affaire suit son cours.

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