Amitié trahie
Devant la Cour d’appel de Casablanca, un jeune homme de trente-et-un ans a reconnu avoir poignardé son ancien compagnon de fortune. Né dans la misère et broyé par la dureté de la vie, il a avoué son crime tout en assurant qu’il ne voulait pas le tuer mais le destin en a voulu autrement.
Devant les trois magistrats de la chambre criminelle près la Cour d’appel à Casablanca, un jeune homme de trente-et-un ans, les traits tirés et les vêtements en désordre, avoue avec une voix tremblante avoir poignardé son ami. Ses mots hésitants et ses larmes aux yeux traduisent la détresse d’un être égaré plus que la froideur d’un meurtrier. Il ne nie pas les faits mais jure qu’il n’a jamais voulu ôter la vie à qui que ce soit. Ce qu’il a fait, déclare-t-il, relève d’un moment de folie, d’un débordement qu’il n’a pas su contenir.
Son histoire est sans aucun doute celle d’une existence marquée par la misère. Il est né à la moitié des années quatre-vingt-dix du siècle passé dans un douar de la région de Safi. Très tôt, il a quitté l’école pour subvenir aux besoins de sa famille. De petits travaux en corvées mal payés, il avait appris à survivre, sans jamais connaître ni stabilité ni répit. Enfin, il a décidé de tourner le dos à son douar pour chercher ailleurs, à Casablanca. C’est là que sa route a croisé celle d’un autre jeune homme, son aîné de trois ans, partageant le même destin d’infortune. L’un comme l’autre cherchaient à se frayer un chemin dans une ville qui leur offrait peu de chances. Ensemble, ils ont imaginé un projet simple, à savoir construire une petite charrette pour vendre quelques produits au détail dans les ruelles animées des marchés populaires à travers les quatre coins de la capitale économique. Ce commerce, si piètre soit-il, représentait pour eux une planche de salut, une façon honnête de gagner leur pain quotidien. Les débuts étaient encourageants. Leur entente semblait solide et la complicité née de la pauvreté leur tenait lieu d’amitié. Pourtant, avec le temps, quelque chose s’est brisé. Sans explication claire, le partenaire a mis brusquement fin à leur association. Les échanges, d’abord tendus, sont devenus vite hostiles.
Les insultes ont remplacé les paroles. L’un d’eux, blessé dans sa dignité, s’est senti trahi, humilié, rejeté sans motif. Chaque rencontre se soldait par des affronts, des mots durs et parfois des menaces. Sous le poids de ces humiliations répétées, la rancune a pris place. Le jeune homme s’est mis à ruminer sa colère, à ressasser les scènes de mépris qu’il subissait. Et le désir de vengeance s’est installé lentement, d’abord comme une idée qui pourrait ne durer qu’un peu de temps pour s’évaporer, puis comme une obsession. Un jour du mois du mois de février 2025, tout a basculé. Après avoir longuement erré dans la ville, il a acheté deux couteaux bon marché. Ses pas l’ont mené, presque mécaniquement, jusqu’à son ancien compagnon. Le face-à-face était bref et lourd d’un silence étouffant. Dans un élan incontrôlé, il s’est jeté sur lui, le frappant à deux reprises ; une fois à l’épaule, une autre à la poitrine. En quelques secondes, tout était fini. L’autre, à savoir l’aîné, s’est effondré, laissant derrière lui un cri et une mare de sang. Et pour un rien, la victime a été enterrée et l’auteur du crime a écopé de vingt-cinq ans de réclusion criminelle.













