Nous sommes à la chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca. Avec un pantalon en bleu jean, une chemise blanche et des sandales marrons, Saïd se tenait au box des accusés. Il n’hésitait pas à tourner, de temps en temps, ses regards vers l’assistance au point que le président de la Cour lui a ordonné de se fixer devant les magistrats. Saïd s’est contenté de baisser sa tête comme un enfant timide. «Tu es accusé d’homicide volontaire avec préméditation et guet-apens… », lui a lancé le président de la Cour qui feuilletait encore le dossier de l’affaire. Une accusation lourde qui prévoit la peine de mort. Saïd était-il au courant de la peine qu’il encourait ? Peut-être. Son avocat lui aurait étalé les dispositions des articles stipulant son accusation lorsqu’il lui avait rendu visite à la prison. Pourquoi le parquet général l’a poursuivi de cette lourde accusation ? Selon le procès-verbal de son audition, Saïd est né le 26 juin 1980 à Casablanca. Quand il est arrivé à l’âge de la scolarisation, il a été mis aux bancs de l’école. Malheureusement, il n’a pas pu dépasser la phase primaire. Et il s’est retrouvé à la rue qui l’a accueilli chaleureusement avec les bras tendus. De cigarettes, il est devenu toxicomane. C’était sa mère qui lui versait, au départ, de temps en temps, quelques sous pour s’approvisionner de sa dose quotidienne en haschich. Ensuite, il s’est retrouvé parmi des délinquants qui lui avaient appris les ABC des agressions. Ce qui lui a coûté à deux reprises des peines d’emprisonnement respectivement de huit mois et d’un an ferme. Entre-temps, Saïd a fait la connaissance d’Abderrahim, un jeune délinquant de vingt-quatre ans, avec lequel il partageait la même cellule à la prison. Leur amitié n’a pas pris fin hors des murailles de pénitencier. «Nous étions au centre-ville quand nous avions agressé une femme qui passait par une ruelle donnant sur le boulevard Hassan II… Dans son sac à main, nous avions trouvé une somme de trois cent cinquante dirhams et une bague en or… », a expliqué Saïd aux enquêteurs de la police judiciaire. Une déclaration qu’il a niée devant la Cour lors de son interrogatoire. Toujours selon son dossier de l’affaire, ils ont pris le bus à destination de Hay Mohammedi, où demeure Abderrahim, pour partager le butin et chercher à qui ils devaient vendre la bague. Quand ils y sont arrivés, ils ont acheté quelques grammes du haschich et ont commencé à se droguer. Au dernier joint, une rixe est éclatée entre eux. Chacun d’eux a pensé avoir le droit de fumer avant l’autre. Tout d’un coup, Abderrahim s’est enfui avec le joint à la main. Hors de lui et sous l’effet de la drogue, Saïd l’a suivi en courant et avec un couteau à la main. Quand il l’a retrouvé, il lui a asséné deux coups mortels.«Mais, je n’avais pas eu l’intention de le tuer, M. le président… », a-t-il expliqué devant la Cour. Une déclaration qui a encouragé la Cour de le bénéficier des circonstances atténuantes et le condamner à quinze ans de réclusion criminelle.