A chaque fois, il suivait ses pas pour la solliciter d’abandonner le mis en cause et de se jeter dans ses bras, lui promettant monts et merveilles si elle entretenait une relation amoureuse avec lui.
«J’étais ivre». Par ces deux mots, ce jeune homme croyait qu’il allait convaincre les trois magistrats de la chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca de le faire bénéficier des circonstances atténuantes, ignorant que l’ivresse est l’une des circonstances aggravantes. C’est la raison pour laquelle le président de la Cour lui demande ironiquement s’il croit que la loi permet à chaque ivrogne de tuer librement un être humain. Le mis en cause, âgé de trente-et-un ans, ne peut que garder le silence.
Poursuivi pour homicide volontaire avec préméditation et guet-apens, ce chômeur qui a quitté les bancs de l’école au primaire s’adonnait de temps en temps au trafic de drogue. Pour ce commerce illicite, il a déjà purgé une peine d’emprisonnement de huit mois ferme. Maintenant il se retrouve avec un meurtre sur le dos, passible d’une peine bien plus lourde.
«M. le président, je n’avais pas l’intention de le tuer», lance-t-il à la Cour. Toutefois, les faits consignés dans le procès-verbal de son audition montrent qu’il a agi avec préméditation. On apprend du procès-verbal qu’il a trahi son rival qui a cru lui avoir pardonné son comportement envers sa bien-aimée. Avec cette dernière, qui est sa voisine au quartier, le mis en cause entretenait une relation amoureuse. Ils se sont même mis d’accord pour qu’il tourne le dos au monde du trafic de drogue pour lequel il a purgé huit mois de prison ferme et de chercher un emploi afin de gagner dignement sa vie et fonder ensemble un foyer conjugal. Quant à elle, il s’agit d’une jeune fille, âgée de vingt-deux ans, employée de son état et qui était également folle de lui. Mais, le destin en a voulu autrement. Car, il a tué son voisin du quartier, un jeune homme, âgé de vingt-six ans, célibataire, agent de sécurité de son état. Celui-ci, également amoureux d’elle, n’a pas cessé de la harceler. A chaque fois, il suivait ses pas pour la solliciter d’abandonner le mis en cause et de se jeter dans ses bras, lui promettant monts et merveilles si elle entretenait une relation amoureuse avec lui. En réponse, elle lui faisait savoir qu’elle aime son copain, qu’elle ne pense jamais l’abandonner et qu’ils allaient se marier. Depuis, il la menaçait d’inventer une histoire qui allait porter atteinte à son honneur. Et elle a décidé d’en informer son bien-aimé. Hors de lui, il lui a coupé le chemin et l’a tabassé violemment. N’était-ce l’intervention des badauds, tous des voisins du quartier, l’irréparable se serait produit.
Ceux-ci ainsi que son rival ont cru que le mis en cause lui a pardonné après avoir promis de ne plus harceler sa bien-aimée. Mais, le lendemain, vers le soir, le mis en cause s’est armé d’un couteau, a rejoint son rival et sans lui adresser la moindre parole, il l’a criblé de coups avant de prendre la fuite. Le lendemain, il a été arrêté à la gare routière d’Ouled Ziane s’apprêtant à prendre un autocar allant à destination de Tanger. Il avait l’intention d’immigrer clandestinement, a-t-il affirmé aux enquêteurs.
Verdict : Vingt ans de réclusion criminelle.