Chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca. Deux amis, Mohamed, âgé de vingt-huit ans, et Abdellah, âgé de trente et un ans, se tiennent devant la Cour. Amis depuis l’enfance, le destin a voulu qu’ils soient également ensemble dans cette situation. Ils pensaient tous les deux que s’ils avaient gardé leur calme, ils ne seraient pas là.
«Vous êtes accusés d’homicide volontaire avec préméditation et guet-apens, qu’en dites-vous ?», leur a demandé le président de la Cour.
En entendant la question, les deux amis ont échangé les regards comme si l’un demande à l’autre de prendre la parole. Selon le procès-verbal, ils se sont rencontrés une demi-heure après avoir quitté les lieux du travail. Sans destination précise, ils marchaient tout en bavardant et en conversant jusqu’au moment où ils se sont retrouvés devant la porte d’un bar. Ils y rentrent pour prendre quelques bières.
Deux à trois heures plus tard, ils le quittent. Ils veulent prendre un café noir avant de rentrer chez eux. Mais, il semble que les circonstances en voulaient autrement. A quelques mètres loin du bar, Mohamed est touché par une voiture qui roulait à grande vitesse. Bien qu’il n’ait pas été fauché violemment, il a crié. L’automobiliste qui ne s’est arrêté qu’à quelques mètres du lieu de l’accident est descendu de sa voiture, tentant de supplier Mohamed qui semble être très nerveux. «Tu ne te rends pas compte des piétons…», reproche-t-il sur un ton menaçant et nerveux. L’automobiliste avance vers lui, lui demandant de le pardonner. En vain. Mohamed semble commencer à perdre le contrôle de ses nerfs, malgré les interventions des gens de bonne foi.
L’automobiliste semble être très calme, puisqu’il est reparti vers sa voiture sans manifester la moindre nervosité. Mais la réalité semble être loin de là. Il est plus excité que Mohamed. Les badauds qui amadouaient ce dernier ont été surpris par l’automobiliste qui s’est dirigé vers son protagoniste avec un objet en bois à la main. Surexcité, personne n’a pu empêcher ce gaillard d’avancer vers Mohamed. Ce dernier a reculé.
Un recul qui n’a pas encouragé l’automobiliste à renoncer d’avancer davantage dans l’intention de l’attraper. Seulement, Mohamed est arrivé à s’éloigner de lui. À ce moment, son ami, Abdellah est intervenu pour calmer l’automobiliste. Cependant, ce dernier lui a asséné un coup, puis un deuxième. Lançant un cri strident, Abdellah a couru vers son ami, le sollicitant de retourner chez eux pour s’équiper en armes blanches. Effectivement, ils n’ont pas perdu beaucoup de temps à aller chez eux. Leurs domiciles ne sont qu’à quelques mètres du bar.
Abdellah y est ressorti avec un couteau à la main, alors que Mohamed n’en avait rien trouvé. Tous deux sont retournés au lieu où s’était déroulé l’incident pour chercher l’automobiliste. Il y est encore. Qu’est-ce qu’il attendait et pourquoi ? Les badauds lui demandaient encore de partir. Mais il continuait à les insulter et à les défier.
Face-à-face, les badauds ont reculé devant les armes qui se brandissaient. Nul ne peut avancer, craignant d’être touché par le couteau ou le bâton. Et pourtant l’automobiliste n’a pas baissé les bras.
Il a continué de menacer, d’insulter et d’injurier. Sans la moindre hésitation, Abdellah lui a asséné un premier coup de couteau à l’épaule, puis un deuxième au ventre. L’automobiliste s’est effondré et les deux amis se sont tenus debout devant le cadavre dans l’attente des éléments de la police.
«C’est lui qui m’a fauché et qui m’a provoqué», a déclaré Abdellah à la Cour. Et elle a condamné Abdellah à 15 ans de réclusion criminelle après avoir qualifié l’accusation d’homicide volontaire aux coups et blessures ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner et Mohamed à 5 ans de prison ferme pour complicité.