L’amour qui mène au meurtre

Il a cru que l’amour est toujours synonyme de bonheur. Malheureusement, il ne s’est jamais rendu compte qu’il y a toujours une partie émergée de l’iceberg. C’est ce qu’il va découvrir enfin. Une découverte qui lui coûtera des années de prison.

Portant une chemise en bleu ciel à demi-manches, un pantalon bleu jeans et des sandales en cuir marron, ce jeune homme traine les pas vers le box des accusés dès que le président de la Cour à la Chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca annonce son nom et prénom. Gardant la tête haute, il se tient debout en attendant son interrogatoire comme s’il était prêt à tout avouer et sans équivoque. Sa famille et ses proches, qui sont venus assister à la dernière audience de l’examen de son affaire, n’arrivent pas encore à croire qu’il est arrivé à commettre un meurtre, lui qui est une personne sans problème, calme et serviable. Bref, il jouit d’une bonne réputation. Ils n’arrivent pas encore à croire qu’il n’a pas tué n’importe qui ! La femme qu’il a aimé follement. Toutefois, dans la vie, tout peut arriver, aussi bien le malheur que le bonheur.
Agé de vingt-huit ans, célibataire et employé de son état, il est tombé amoureux d’une jeune fille qu’il rencontrait plus souvent à la station des grands taxis. Peut-être qu’elle a eu également des bons sentiments à son égard. Mais s’agit-il d’un amour qu’elle partageait avec lui ?
« Je ne savais pas si elle m’aimait vraiment, M. le président, mais je suis certain que je l’aimais follement », affirme-t-il à la Cour. Mais le président, qui lui a expliqué que la Cour ne s’intéresse pas aux sentiments mais aux faits, lui rappelle que celui qui aime ne fait jamais du mal aux autres.
Tous deux sortaient ensemble, bavardaient, s’attablaient aux cafés et aux restaurants et rêvaient d’être le plus possible sous le même toit. Seulement, ce rêve n’aura jamais lieu. Car, il l’a tuée.
« Elle m’a trompé, M. le président », justifie-t-il son crime.
Le président de la Cour lui explique qu’il devait l’abandonner au lieu de la tuer.
Lorsqu’il a appris qu’elle a entretenu une relation amoureuse avec un autre jeune homme, il a perdu la tête. Il n’a jamais, durant deux années de leur relation, conçu qu’elle pourrait tourner le dos aux deux ans qu’ils ont passé ensemble.
«Elle m’a expliqué qu’il s’agit de son cousin qui est venu la demander au mariage», affirme-t-il à la Cour.
Effectivement, son cousin l’a choisie pour qu’elle soit sa future épouse. Et elle a accepté de l’être parce qu’elle ne pouvait plus attendre.
«Elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas attendre plus que les deux ans qu’on a passé ensemble et elle m’a traité d’une personne qui n’est pas sérieuse», ajoute-t-il à la Cour.
Il lui a téléphoné pour lui solliciter de le rencontrer et mettre, enfin, les points sur les « i ». De quel point et de quel «i» parlait-il ? Peu importe.
« Je l’ai suppliée de me répondre favorablement parce qu’elle s’est abstenue, au départ, de me rencontrer…Mais, enfin, elle a cédé», ajoute-t-il à la Cour.
La rencontre a eu lieu loin de chez eux. La conversation s’est engagée entre eux et elle a fini par lui exprimer ses bons sentiments envers son cousin et qu’elle ne pouvait plus continuer sa relation avec lui. Hors de lui, il a brandi un couteau qu’il dissimulait sous ses vêtements et lui a asséné deux coups au niveau de la poitrine. Un cri strident a été poussé pour qu’elle tombe enfin par terre. Et en moins de quelques secondes plus tard, elle a poussé ses derniers soupirs. Le meurtrier n’a pas quitté la scène de crime, mais il y est resté jusqu’à l’arrivée de la police qui lui a menotté les mains.
« Je n’avais pas l’intention de la tuer, M. le président », achève-t-il ses réponses parce qu’il a gardé le silence lorsque le président lui a demandé la raison pour laquelle il s’est armé d’un couteau s’il n’a pas eu l’intention de commettre un meurtre.
Après le réquisitoire, la plaidoirie et les délibérations, le mis en cause écope de trente ans de réclusion criminelle.