La rue Al Koronfoule, quartier Riad Salam, à Agadir, était plus ou moins déserte, ce matin glacial du dimanche 29 janvier. Comme à l’accoutumée, les éboueurs font leur tournée matinale.
Quand ils ont levé le couvercle de l’une des bennes à ordures afin de déverser les déchets dans le camion, ils n’ont pas cru leurs yeux. Ils sont restés inteloqués, se contentant d’échanger des regards inquiets. Sur quoi sont-ils tombés pour arborer cette mine ? La tête d’une femme. C’est horrible et effrayant. Encore sous le choc de cette macabre découverte, ils ont levé le couvercle d’une deuxième benne à ordures. Ils y trouvent deux pieds d’un être humain. La police judiciaire a été immédiatement alertée. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. Du coup le quartier perd son calme habituel.
Branle-bas-de combat.
L’équipe du préfet de police d’Agadir, Abdallah Mountassir, soutenus par une brigade cynophile, s’est lancée à la recherche des autres parties du corps. Une opération de ratissage de grande envergure qui a duré plus de cinq heures avant de déboucher sur la découverte d’une hanche jetée dans un terrain vague dans la région d’Illigh. L’opération des fouilles s’est poursuivie. Le lendemain, lundi 30 janvier, les autres morçeaux du corps ont été retrouvés dans un terrain vague derrière l’école Al Kastalani. Cette découverte a permis d’identifier la victime. Il s’agit d’une jeune fille qui s’appelle Rajae. K, née en 1980 à Safi, célibataire. Avec un casier judiciaire vierge, cette jeune fille est issue d’une famille indigente qui demeure au quartier Boutassra dans la circonscription de Bensargaou, à Agadir. De temps en temps, elle travaillait chez des familles de la ville pour gagner sa vie et subvenir aux besoins des siens. Quand elle ne trouve pas de travail, elle disparaît pendant quelques jours sans donner signe de vie. A son retour, elle prétendait être à la recherche d’un boulot. Mais les mauvaises langues parlaient d’autre chose : la prostitution. Toutefois, personne ne pouvait ni le confirmer ni le prouver. Les jours passaient. La PJ d’Agadir poursuit son travail d’une manière soutenue. Mobilisation totale des enquêteurs. Surtout que le cadavre d’une seconde jeune fille a été découvert dans un grand sachet, jeté au quartier Tilila, à l’entrée de la ville d’Agadir. Existe-t-il une relation entre les deux cadavres ? Primo, ils appartiennent tous les deux à des jeunes femmes célibataires. Secundo, les cadavres sont transportés vers un autre lieu que celui du crime. Tertio, les victimes ont été tuées par étranglement à l’intérieur d’un même périmètre. S’agit-il du même meurtrier ? Les enquêteurs ont cherché dans leurs archives les fichiers des repris de justice, qui étaient impliqués dans des affaires de meurtre. Ils ont trouvé que l’un d’eux, répondant au nom d’Abdelhak. T, né en 1966 à Chiadma, mosaïste de son état, avait purgé une peine de dix ans de réclusion après avoir tué par étranglement, en 1994, une jeune fille de vingt ans. Il l’a assassinée chez lui, au quartier Aghroud, à Bensargaou avant de transporter son cadavre à bord de son vélomoteur et le jeter dans un terrain vague au quartier Sonaba. Après avoir été libéré, en 2004, il a fondé un foyer. Il s’est marié avec une jeune fille. Cette dernière, qui est actuellement enceinte, a rejoint, depuis novembre 2005, sa famille à Rabat. Négligeant aucun détail même minime, les enquêteurs se sont rendus chez lui. Ils ne l’ont pas trouvé. Ils ont appris qu’il a disparu depuis quelques jours. Sans baisser les bras, ils ont continué leurs investigations, qui ont porté leurs fruits. Samedi 11 février, l’homme a été appréhendé à Tan Tan. « Je suis l’auteur des deux crimes », avoue-t-il facilement comme s’il cherchait à se libérer d’un secret lourd à porter. Il a affirmé aux enquêteurs avoir croisé la première victime au quartier des abattoirs. Après avoir couché avec elle, il l’a étranglée par son foulard. Après quoi, il s’est débarrassé de son corps en le jetant au quartier Tilila. Quant à Rajae, il l’a rencontrée au quartier Talborjt, près de la gare routière. Il l’a conduite à bord de son vélomoteur jusqu’à chez lui. Après avoir partagé le même lit avec elle, il l’a étranglée avec ses deux mains. Il a découpé ensuite son corps en morceaux qu’il jette dans les bennes à ordures et les terrains vagues. Mais pourquoi étranglait-il ses victimes après avoir fait l’amour avec elles ? Après la reconstitution du crime, qui a eu lieu, l’après-midi du lundi 13 février, sa réponse était surprenante: «J’éprouvais du plaisir à faire cela».