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Père de famille, imam et pédophile

Nous sommes au quartier Sidi Abdelkrim, au nord de la ville de la poterie, Safi. La mosquée «Al Karma» est fréquentée par tous les fidèles de la région, du moins le vendredi pour écouter le prêche de l’imam Mohamed. B. Ce prêcheur de soixante et un ans jouit d’une bonne réputation. Tout le monde le respecte, l’apprécie et lui fait le baise-main. Personne ne se souvient avoir entendu dire du mal ni sur lui ni sur son épouse, et encore moins sur ses trois garçons et trois filles dont deux enseignants ; éducation islamique pour l’un d’eux dans un collège de la ville alors que le deuxième enseigne dans une école primaire. À cinq cents mètres de la mosquée «Al Karma», près du Centre pédagogique régional Mohammed V, sis rue Colon, l’imam Mohamed occupe une maison dont il est propriétaire. D’abord, il a aménagé, depuis plus d’une trentaine d’années son rez-de-chaussée en école coranique où il enseigne aux enfants et aux adolescents le Coran. Plusieurs fkihs de la ville ont appris le Coran grâce à lui et ont rejoint d’autres villes pour enseigner la parole divine aux enfants. Selon les habitants du quartier, il y aurait même parmi ses élèves un professeur de Charia en Arabie Saoudite. Argument supplémentaire de fierté pour le vénérable théologien.
Youssef, âgé de huit ans, et son frère aîné de deux ans, Yassine, n’ont pas fait l’exception parmi leurs camarades du quartier. Ils y ont passé leur enfance pour apprendre le Coran. Et lorsqu’ils sont arrivés à l’âge de la scolarisation, ils n’ont pas cessé de fréquenter l’école coranique pour garder la main. Leur père souhaitait qu’ils apprennent par cœur tous les versets du Coran. À l’instar d’autres enfants et adolescents de la ville, ils s’y rendaient quand ils n’avaient pas classe.
Nous sommes le jeudi 14 juin. Vers 17 h, Youssef, élève en deuxième année du primaire quitte l’école, se rend chez lui et casse la croûte. Une pause d’une demi-heure lui suffit pour se rendre ensuite à l’école coranique de l’imam de la mosquée «Al Karma». Vers 18 h, son frère aîné quitte également l’école, arrive chez lui et sa mère lui demande d’aller voir si Youssef est en train d’apprendre le Coran ou s’il joue avec ses camarades du quartier. Sans tarder, Yassine se lance pour accomplir la tâche. Quand Yassine arrive devant l’entrée, l’imam l’empêche d’y accéder. Non pas directement, mais en lui remettant une pièce d’un dirham et lui demandant d’aller acheter une aiguille chez un commerçant situé un peu plus loin. Mais, Yassine décide d’aller chez le commerçant le plus proche. Quelques secondes plus tard, il regagnait l’école coranique. Seulement, il remarque cette fois-ci Abdelkader, âgé de dix ans, planté à l’entrée. Pourquoi ? Il n’en savait rien. Sans parler à l’enfant, il y rentre. Il ne trouve ni l’imam ni son frère ni les autres enfants à «Lamhadra», l’espace où se regroupent les enfants qui apprennent le Coran. Où étaient-ils passés ? Il n’en a aucune idée. Lentement et sans faire de bruit, il se dirige vers «Lakouissa», recoin situé sous les escaliers et réservé à garder les planches en bois où sont inscrits les versets du Coran à apprendre. En y mettant le pas, il est comme foudroyé. Il ne peut plus avancer d’un pas. Soudain, il sort en courant et criant : «Le fkih abuse de mon frère, le fkih abuse de mon frère». En un clin d’œil, les badauds s’attroupent devant l’entrée de l’école coranique, s’interrogent sur ce que racontait Yassine. L’imam ne présidait ni la prière d’Al Maghrib ni celle d’Al Ichaâ. Il reste chez lui. La police du premier arrondissement réagit, interroge Yassine, son frère Youssef et Abdelkader qui était planté à l’entrée de l’école coranique. Ce dernier a avoué avoir été abusé par l’imam à quatre reprises, la dernière remonte au matin du même jeudi 14 juin.
Youssef en est à sa troisième expérience. Le lendemain, vendredi, l’imam Mohamed ne préside pas la « prière d’Al Joumouâ ». Parce qu’il a été arrêté. Il avoue son crime. Dimanche 17 juin, il est traduit devant le parquet général près la Cour d’appel de Safi. Jeudi 28 juin, il sera présenté devant le juge d’instruction. L’imam avait-il fait d’autres victimes ? La présidente de l’association «Touche pas à mes enfants», Najia Adib, a affirmé à ALM qu’il y en avait plusieurs, mais leurs parents se sont abstenus de porter plainte.

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