L’affaire était suivie avec attention par des défenseurs des droits de l’Homme. Dans la mesure où Iouri Samodourov et Andreï Ierofeïev échappent tous deux à la prison, la décision rendue lundi par un tribunal moscovite ne devrait pas déclencher d’indignation à l’échelle internationale. Pour autant, elle ne devrait pas faire taire les inquiétudes liées à l’influence croissante de l’église et au spectre d’une censure semblable à celle qui prévalait sous l’empire soviétique. Personnalités respectées du monde des arts, les deux hommes ont été reconnus coupables pour leur exposition de 2007 baptisée «Art interdit» au musée Sakharov, un centre des droits de l’Homme tirant son nom du célèbre dissident et prix Nobel de la paix Andreï Sakharov. Passibles d’une peine de trois ans d’emprisonnement, ils ont seulement écopé d’amendes allant jusqu’à 200.000 roubles (5.100 euros). Artistes et militants des droits de l’Homme avaient appelé le Kremlin à mettre un terme aux poursuites. Même le ministre russe de la Culture avait estimé que les deux hommes n’avaient rien fait pour enfreindre la législation contre l’incitation à la haine religieuse. Mais le ministère public a refusé de faire machine arrière. Iouri Samodourov, qui a dirigé le musée depuis la création de l’établissement en 1996 à sa démission en 2008, avait déjà été condamné pour incitation à la haine religieuse à une amende d’un montant équivalant à 2.800 euros, pour une exposition de 2003 baptisée «Attention : religion!». Andreï Ierofeïev a quant à lui occupé les fonctions de responsable de l’art contemporain à la Galerie Tretiakov, l’un des musées les plus renommés de Russie.
Des groupes religieux ultra-nationalistes avaient obtenu le soutien de l’Église orthodoxe russe en poussant le ministère public à porter des accusations en 2008 puis avaient maintenu la pression sur les deux hommes pendant le procès.