Son bien-aimé l’abandonne, elle l’empoisonne

Amoureuse d’un jeune homme, cette jeune femme, la trentaine, n’accepte pas qu’il l’abandonne définitivement pour se jeter dans les bras d’une autre. Elle décide de se venger.

Très maigre et visage pâle, cette jeune femme, âgée de trente-deux ans, n’arrive pas à croire qu’elle a commis un crime passible de la peine capitale. En effet, elle a empoisonné celui qu’elle aimait follement.

Les yeux hagards, elle balbutie des mots que le président de la Cour relevant de la chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca ne comprend pas. C’est la raison pour laquelle il lui demande de parler à haute voix. Paraissant déprimée, elle n’a plus la force de parler avec une voix distincte entendue aussi bien par la Cour que par le représentant du ministère public, le greffier qui doit noter tout ce qui passe à l’audience et l’assistance. Son accusation, comme lui rappelle le président, est très lourde. Il s’agit de l’empoisonnement ayant entraîné la mort signalé par l’article 398 du code pénal qui stipule que «quiconque attente à la vie d’une personne par l’effet de substances qui peuvent donner la mort plus ou moins promptement, de quelque manière que ces substances aient été employées ou administrées, et quelles qu’en aient été les suites, est coupable d’empoisonnement et puni de mort».

En effet, tout au long de son interrogatoire, elle se contente de répéter qu’elle n’a jamais imaginé tuer son bien-aimé. Elle insiste à dire qu’elle l’aimait au point qu’elle pensait que seule la mort pouvait les séparer. Mais elle n’a jamais imaginé que c’était elle qui allait être le bourreau. Comment et pour quel mobile ?

Tout au long des trois ans qu’ils ont passés ensemble, elle a cru qu’il l’aimait, elle et personne d’autre, surtout qu’il lui a promis de l’épouser. Elle en était tombée éperdument amoureuse. Mais jamais elle n’a pensé qu’il pouvait l’abandonner pour se jeter dans les bras d’une autre femme, et ce durant plus de trente-six mois que leur relation a duré. Seulement, il l’a trompée, dit-elle à la Cour. Et elle a décidé de ne le laisser à aucune autre femme et de se venger. C’est ainsi qu’elle l’a sollicité de passer ensemble une dernière nuit en guise d’adieux. Effectivement, il n’y a pas vu de mal et il l’a conduite chez lui. C’était elle qui a préparé le dîner. Elle y a mis du poison. Après avoir couché ensemble elle lui a posé le plat à manger. Elle lui a demandé de commencer sans l’attendre le temps de revenir des toilettes. Elle a disparu pour plus d’un quart d’heure pour retourner à la chambre et le retrouver en pleine souffrance. L’écume coulait de sa bouche tout en lui demandant de le sauver. Mais en vain. Elle le regardait sans bouger d’un iota jusqu’à ce qu’il ait rendu l’âme. Aussitôt, elle a téléphoné à l’une de ses amies qui l’a rejointe rapidement. Celle-ci a alerté la police qui est intervenue pour arrêter la mise en cause.

Après l’examen de son affaire et les délibérations, la jeune femme a bénéficié des circonstances atténuantes et a écopé de trente ans de réclusion criminelle.