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Un enseignant arrêté pour charlatanisme

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Dimanche 14 janvier, 17 h 50. La ville de Settat est baignée des lueurs du crépuscule. Plus que trois minutes avant l’appel à la prière d’Al Maghrib. Les agents de la police préfectorale effectuent leur ronde de routine : prévention de la criminalité et le cas échéant, intervention pour mettre les agresseurs et autres délinquants hors d’état de nuire.
En arrivant près de l’oued qui traverse la ville, ils remarquent un homme en compagnie d’une jeune femme, qui se tiennent seuls dans un coin. S’agit-il d’un couple d’amoureux profitant de leur relatif isolement pour se combler de baisers ? les policiers ne cèdent pas à l’attendrissement. La loi interdit les outrages à la pudeur publique et s’il s’agit d’un couple illégitime, ils se doivent d’intervenir. Le fourgon de la police s’approche silencieusement. Les agents descendent et s’avancent sans faire de bruit. L’homme et la jeune femme ne se sont pas rendus compte de l’arrivée des policiers. Ces derniers ont bien l’intention de surprendre le couple en flagrant délit de débauche. Ils continuent d’avancer vers leur objectif…
Soudain, ils se figent sur place, bouche bée. Ce qui les stupéfait n’est pas une scène d’action amoureuse mais quelque chose qu’ils étaient loin d’imaginer. Les mains et les pieds de la jeune fille sont ligotés par une chaîne verrouillée par plusieurs cadenas. Les agents de police échangent des regards incrédules. Ils avancent encore de quelques pas, jusqu’à distinguer les traits de l’homme, un quinquagénaire.
Ce dernier est occupé à réciter des versets du Coran. Mais les policiers réalisent que l’homme récite le Coran d’une façon étrange: il remplace systématiquement le nom de Dieu par celui de Satan.
L’affaire se corse. Il s’agit là non seulement d’un charlatan mais d’un blasphémateur. Les policiers n’hésitent pas un seul instant. Il se jettent sur l’homme et l’immobilisent promptement. La jeune fille, qui est dans un état de quasi inconscience, est embarquée elle aussi dans le fourgon.  Direction le commissariat pour procéder aux interrogatoires.
«Je suis malade, monsieur l’officier», sanglote la jeune fille pour toute réponse aux questions des policiers. Visiblement, elle n’a pas compris pourquoi l’homme et elle ont été arrêtés. «Il ne faisait que me soigner, j’ai besoin d’être exorcisée…», précise la jeune femme.
Les déclarations du soi-disant exorciste laissent ensuite les policiers abasourdis : «Je suis inspecteur de l’enseignement primaire à l’Académie de Sebt Gzoula…».
L’homme se prénomme Brahim, il est âgé de cinquante et un ans. C’est un célibataire très endurci qui semble peu attiré par les plaisirs de la vie conjugale. Il vit seul à Settat. Les policiers tentent de comprendre si son célibat est le fruit d’un choix délibéré ou d’une incapacité à nouer des relations avec des femmes. Mais rien dans les réponses de l’homme ne leur permet de se faire une idée à ce sujet. Tout ce que Brahim consent à révéler est qu’après une trentaine d’années de dévouement à sa mission d’enseignant, il s’est consacré au charlatanisme.
«J’ai appris les bases et les techniques de l’exorcisme et de la magie pour accomplir de bonnes actions et pour aider les gens à se libérer des démons», déclare-t-il.
Les policiers finissent par découvrir son rituel de «guérison». Brahim ne reçoit jamais ses «patients» chez lui.
Il préfère les traiter à la belle étoile, les conduisant le plus souvent aux abords de l’oued pour effectuer son exorcisme. Sa méthode ? Les enchaîner, pieds et mains entravés, à grand renfort de cadenas. Puis leur lire des versets du Coran dont il remplace certains mots, notamment les attributs divins, par des termes d’inspiration satanique, obscène ou ordurière. Le tout contre la somme de quatre cents dirhams. Quant à ses clients, ils lui sont envoyés par un marchand ambulant, un certain Saïd, en échange d’une commission.
«Je permets aux gens de se libérer de l’emprise des démons, je ne leur fais aucun mal, je suis un exorciste respectable !», protestera Brahim lorsqu’il a commencé à comprendre qu’il n’est pas près de retrouver la liberté. Mais en vain.
 Brahim et son rabatteur, Saïd, ont été traduits, mercredi dernier, devant la chambre correctionnelle près le tribunal de première instance de Casablanca. Devant leurs juges, ils prendront peut-être conscience que l’enfer est pavé de bonnes intentions, surtout lorsque l’on se permet de travestir les paroles divines et à plus forte raison, de blasphémer le nom de Dieu.

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