Nous sommes à Settat. La salle d’audience de la Chambre criminelle près la Cour d’appel est archicomble. Rachid est au box des accusés. Ce chômeur de vingt-sept ans, célibataire, est issu d’une famille de la région Sidi Al Mekki, non loin de Berrechid. Comme ses six frères et sœurs, il a quitté l’école au cycle primaire. Il n’a jamais fumé ou bu de l’alcool. «Rachid, tu es accusé d’homicide volontaire avec préméditation et guet-apens, qu’en dis-tu ? », lui a demandé le président de la Cour. Qui avait cru, au douar et parmi la famille, que Rachid tuerait et encourrait la peine de mort ? Personne. Parce que Rachid est un jeune sans problèmes. Mais personne n’a jamais su que Rachid a fait l’objet d’abus sexuels. «Oui, M. le président, Mohamed a abusé de moi, chez lui à Casablanca, quand j’étais encore enfant», a affirmé Rachid devant la Cour. Qui est Mohamed ? «C’est le mari de ma tante, M. le président», a-t-il balbutié. Mohamed est un quadragénaire, repris de justice, soûlard et drogué. Il demeure à Casablanca. Comme à l’accoutumée, il a accompagné, la dernière fois, sa femme au douar Sidi Al Mekki pour rendre visite à la famille de Rachid. «Quand nous avons pris ensemble notre petit-déjeuner, ma mère, ma tante et quatre de mes frères sont sortis pour faire un tour dans les champs agricoles», a affirmé Rachid à la Cour. Rachid, sa sœur, son frère et le mari de sa tante, Mohamed, n’ont pas quitté la maison.
Tout d’un coup, son frère est sorti. Rachid l’a rejoint quelques minutes plus tard. Tandis que sa sœur, elle est restée toute seule à la maison avec l’époux de sa tante. Seulement, Rachid y est rapidement retourné. A-t-il oublié quelque chose ? Peut-être. À pas de loup, il est rentré. Quand il s’est approché de la chambre où se trouvent sa sœur et l’époux de sa tante, il a entendu celui-ci en train d’inciter sa sœur à coucher avec lui. Rachid n’a pas cru ses oreilles. «Alors, je me suis souvenu de ce qui m’est arrivé lors de mon enfance», a-t-il expliqué à la Cour. Rachid est entré dans la chambre, a fixé son regard sur Mohamed sans lui adresser la parole. Puis il a tourné ses yeux vers sa sœur qui était figée comme une momie avec un couteau à la main. Gardant toujours le silence, Rachid a arraché le couteau de la main de sa sœur et s’est avancé vers Mohamed qui reculait en le suppliant. Malheureusement, ses supplications étaient vaines. Soudain, Rachid a planté le couteau dans la nuque de Mohamed. Celui-ci a rendu l’âme quelques minutes plus tard. Un acte qui a coûté 20 ans de réclusion criminelle à Rachid.