Dans cette salle d’audience, à la chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca, plusieurs jeunes hommes sont passés à la barre pour avoir commis un meurtre dont le mobile est insignifiant. Voilà l’un d’eux qui a comparu récemment devant cette même juridiction.
Ses regards effarés prouvent qu’il a du mal à croire qu’il est en train d’être conduit à l’intérieur de la salle d’audience, qu’il va comparaître devant des juges et qu’il risque une lourde peine d’emprisonnement. Bref, il est poursuivi pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner. Une poursuite qui, selon les dispositions de l’article 403 du code pénal, est passible de dix à vingt ans de réclusion. Sa mère qui se tient parmi l’assistance n’arrive pas à retenir ses larmes.
«Je n’arrive pas encore à croire que j’ai tué quelqu’un», affirme-t-il à la Cour tout en précisant qu’il n’a jamais pensé le faire.
Agé de vingt-et-un ans, employé de son état et jouissant d’une bonne réputation, il prenait avec ses amis quelques verres afin de se distraire.
«C’est mon ami Saâd qui m’a téléphoné pour m’informer qu’on va se rencontrer le soir», affirme-t-il.
Lors de ses déclarations, il précise qu’il n’a jamais eu de relation avec la victime, un jeune homme de vingt-six ans.
«Il était l’ami de Saâd et non le mien. C’était la première fois qu’il est venu en sa compagnie», précise-t-il.
Saâd, qui a été convoqué par la Cour pour présenter son témoignage, confirme les paroles du mis en cause tout en ajoutant que personne, ni lui, ni leurs deux amis qui étaient en leur compagnie, ni le mis en cause ne s’attendaient à cette fin tragique. Parce que l’irréparable a été commis en un clin d’œil, ajoute-t-il à la Cour qui continue à l’interroger sur le mobile et les circonstances de l’affaire.
En effet, Saâd ainsi que deux autres témoins déclarent à la Cour que le mobile n’est autre qu’une prostituée qu’ils ont rencontrée dans un bar. Chacun des deux antagonistes, à savoir le mis en cause et la victime, avait l’intention de l’accompagner. Il semble que les deux sont tombés dans les filets de cette fille de joie qui a promis à chacun d’eux, en catimini, de l’accompagner. Elle est arrivée à soutirer un billet de cent dirhams à l’un et deux cent dirhams à l’autre avant de disparaître. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. En sortant du bar, chacun des deux jeunes hommes a commencé à reprocher à l’autre d’avoir tenté d’accompagner la fille sans que l’autre sache. Ils ont commencé à échanger les injures. Hors de lui, le mis en cause donne un coup de poing à la victime qui se renverse par terre, sa tête se cogne contre le trottoir, le sang coule et la victime ne tarde pas à rendre l’âme.
Après avoir relaté les circonstances du drame, le mis en cause a demandé à la Cour d’être clément envers lui parce qu’il n’a jamais eu l’idée de faire du mal à quelqu’un. Après les délibérations, la Cour l’a jugé coupable tout en le faisant bénéficier des circonstances atténuantes Verdict: cinq ans de réclusion criminelle.













